Depuis le référendum de juin dernier, la devise britannique à perdu 16 % de sa valeur | NIKLAS HALLE'N / AFP

Il a fallu moins de deux petites minutes pour renvoyer la livre sterling en mars 1985. Un bond en arrière de 31 ans qui a donné des frissons aux traders de Hong Kong et Singapour. Leurs collègues américains venaient de partir se coucher tandis que les lumières de la City de Londres ne s’étaient pas encore allumées. Une fenêtre étroite dans laquelle s’est engouffré le chaos d’un mini krach boursier : 6 % de chute en 120 secondes. Les vieux habitués de la Bourse appellent ça un « gros doigt » (fat fingers), quand un opérateur saisi de panique dérape sur son clavier et déclenche des ventes massives. Les jeunes préfèrent parler de « flash Krach » pointant les machines qui n’ont plus besoin d’humains pour prendre des décisions d’investissement.

Monnaie faible

La réalité est plus prosaïque. Comme dans tout accident industriel, c’est l’accumulation de petits événements qui mène à la catastrophe. En l’occurrence, un discours de Theresa May à la conférence de son parti, ouvrant la porte à un retrait britannique de l’Union européenne rapide et violent, puis une surenchère du président français laissant augurer de dures négociations et, enfin, des algorithmes informatiques qui amplifient les réactions humaines d’autant plus facilement que la liquidité était faible après la fermeture de New York : les traders ne devraient jamais dormir ! Une configuration de moins en moins rare. En janvier 2016, le Rand sud-africain s’était effondré de 15 % en neuf minutes.

La correction suit généralement le lendemain. Reste le mouvement de fond. Depuis le référendum de juin dernier, la devise britannique à perdu 16 % de sa valeur. C’est la première conséquence concrète du Brexit, le Royaume Uni s’installe dans un régime de monnaie faible. D’autant plus que la cheffe du gouvernement de sa majesté plaide désormais ouvertement pour une relance budgétaire par l’investissement dans les infrastructures. Une tendance mondiale face à l’épuisement des politiques monétaires. Même le gardien du temple, le Fonds monétaire international (FMI), le préconise. Tout cela ne plaide pas pour une remontée à moyen terme de la livre.

Voilà qui fera l’affaire des multinationales dotées de filiales à l’étranger, et des exportateurs britanniques, ainsi que des firmes de BTP et autres producteurs locaux. Cela conviendra moins aux importateurs de biens de consommation qui voient chaque mois la facture s’alourdir. Autre effet induit, les groupes étrangers, comme les touristes à Londres, en profitent pour faire leur shopping. Le japonais Softbank a ainsi mis la main en septembre sur la plus belle entreprise britannique de haute technologie, la société ARM, qui conçoit des puces équipant la majorité des mobiles de la planète. Il a payé 24 milliards de livres (27 milliards d’euros). Ce qui lui fait, en yen, une belle ristourne de 30 % par rapport à ce qu’il aurait payé l’an dernier. Avis aux amateurs.