Montebourg, ministre (presque) malgré lui
Montebourg, ministre (presque) malgré lui
Par Cédric Pietralunga
Dans un ouvrage publié mercredi, Montebourg détaille les grandes lignes de son programme, mais publie aussi des notes confidentielles pour tenter de démontrer qu’il n’a jamais soutenu la politique de Hollande.
Arnaud Montebourg, lors d’un meeting à Portet-sur-Garonne (Haute-Garonne), le 7 octobre. | PASCAL PAVANI / AFP
On appelle cela déminer le terrain. Accusé régulièrement par ses adversaires d’avoir soutenu François Hollande, lors de la primaire de la gauche de 2011 puis au cours des deux premières années du quinquennat lorsqu’il était à Bercy, Arnaud Montebourg a décidé de mettre les choses au point dans un livre publié mercredi 12 octobre, intitulé Le retour de la France (Editions J’ai Lu, 96 p., 3 euros), dont Le Monde a pu se procurer une copie.
L’ouvrage reprend le discours prononcé le 21 août à Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire), lors duquel l’ancien ministre avait déclaré sa candidature à la présidence de la République. Le texte est simplement entrecoupé de commentaires de M. Montebourg, où il précise sa pensée sur tel ou tel sujet, avec moult chiffres ou extraits de rapports.
L’ex-élu bourguignon y justifie aussi quelques-unes de ses propositions s’il était élu à la tête de l’Etat, sur la mobilisation de l’assurance-vie vers les PME, l’abrogation de la directive travailleurs détachés, ou encore la création de « commissaires » chargés de lutter contre le chômage dans chaque région.
Mais le plus intéressant est à chercher dans les annexes de l’ouvrage. M. Montebourg a en effet décidé d’y publier certaines des notes confidentielles qu’il avait adressées à François Hollande lorsqu’il était ministre du redressement productif puis de l’économie, entre mai 2012 et août 2014.
Travail de persuasion
La première date du 11 septembre 2012, soit quatre mois après le début du quinquennat. Dès ce moment-là, l’ancien avocat s’inquiète de l’accélération du « rythme de réduction des déficits » engagé par le gouvernement et réclame un « scénario alternatif ». « Il faut envisager un budget alternatif qui permette de mettre en place des mesures en faveur de la compétitivité et de l’emploi pour préparer la croissance future », écrit-il au chef de l’Etat.
Dans deux notes datées du 29 avril 2013 puis du 31 janvier 2014, avec un « secret et personnel » ajouté de manière manuscrite dans l’en-tête, M. Montebourg continue son travail de persuasion, appelant à « une politique économique alternative » permettant que « la demande tirée par le pouvoir d’achat ne s’affaiblisse davantage ».
Une dernière note est datée du dimanche 30 mars 2014, jour des élections municipales, qui verront les socialistes essuyer une terrible déroute. Dans celle-ci, le ministre réclame à nouveau une « nécessaire rupture », rappelant qu’il a « proposé tout au long de ces deux années des décisions différentes de celles qui ont été régulièrement prises ». « Est-il permis de rappeler que nous avions promis aux Français une réorientation de l’Europe qui n’est jamais venue ni dans les discours ni dans les actes ? », interroge M. Montebourg.
Le lendemain de cette lettre, signée d’un « loyalement à toi » manuscrit qui prend une autre saveur aujourd’hui, Jean-Marc Ayrault était débarqué de Matignon au profit de Manuel Valls et M. Montebourg voyait son périmètre à Bercy élargi.
Si ces notes avaient déjà été révélées début 2015 par Mediapart, leur publication dans un ouvrage grand public destiné à appuyer la campagne de M. Montebourg répond clairement à un objectif : montrer que l’ancien ministre n’a jamais vraiment soutenu la politique économique menée par François Hollande, même s’il est resté plus de deux ans au gouvernement. Un exercice ardu compte tenu de sa longévité à Bercy.