L’avis de consommation de carburant d’un moteur diesel en mars 2013 à Quimper. | FRED TANNEAU / AFP

C’est un réquisitoire contre l’industrie automobile et les autorités de régulation. Présenté mercredi 12 octobre, après douze mois de travail, par la députée socialiste Delphine Batho, le rapport de la mission d’information sur l’offre automobile française tente de tirer toutes les leçons de l’affaire des moteurs truqués de Volkswagen. Les auteurs formulent 120 propositions.

« Il y aura un avant et un après, assure-t-elle. Il faut transformer ce scandale planétaire en opportunité et ne pas laisser passer une occasion unique de refonder la réglementation sur des bases robustes et de défendre une offre compétitive résolument tournée vers l’avenir », estime l’élue des Deux-Sèvres.

Le « dieselgate » avait éclaté le 18 septembre 2015 lorsque les Etats-Unis avaient accusé VW d’une fraude aux émissions polluantes de leurs véhicules diesel, via un logiciel programmé pour désactiver le système antipollution hors des phases de test.

Pour Delphine Batho, ce scandale met au jour la « faillite » des autorités régulatrices européennes et nationales. Bien avant le « dieselgate », non seulement les écarts entre les tests d’homologation et la réalité étaient connus. Mais « on savait aussi que le type de triche découvert sur les véhicules Volkswagen était possible, et même probable voire constaté. Or, les autorités de contrôle n’ont cherché ni à prévenir, ni à enquêter. Le seul qui ait publiquement lancé l’alerte est le commissaire européen à l’environnement, Janez Potocnik, en 2011, mais il a prêché dans un désert », souligne Mme Batho dont la mission a auditionné plus de 300 responsables (constructeurs, équipementiers, économistes, fonctionnaires de l’Etat et de la Commission européenne, associations de défense des consommateurs, ONG environnementales). « L’Union européenne a laissé faire un moins disant écologique et sanitaire, décourageant l’investissement dans l’innovation et offrant une prime aux tricheurs », déplore-t-elle.

Remise à plat plus « radicale »

Si elle prend acte de la réforme des tests d’homologation des véhicules présentée en janvier 2016 par la Commission et qui ira de pair avec des mesures d’émissions en conditions de conduite réelle, Delphine Batho appelle à une remise à plat plus « radicale » de la législation. Elle propose ainsi d’instaurer une norme unique s’appliquant à toutes les motorisations thermiques (essence et diesel) et intégrant tous les types de polluants. Alors qu’aujourd’hui, observe-t-elle, le système de la norme Euro n’intègre pas le CO2, réglementé par ailleurs différemment, « comme si l’Europe avait deux cerveaux, le climat d’un côté, la qualité de l’air de l’autre, ne communiquant jamais ». Et cette nouvelle norme devrait être édictée cinq ans en avance pour laisser le temps aux industriels le temps de s’adapter.

A l’instar de l’agence américaine indépendante EPA (Environmental Protection Agency), une agence européenne assurerait une surveillance du marché effective et le contrôle de conformité des véhicules en circulation. Elle serait chargée des sanctions, ainsi que de l’agrément des services techniques désignés par les autorités nationales d’homologation.

Contrôle indépendant

Sans attendre l’issue du débat européen, Mme Batho propose que la France modifie ses propres systèmes de contrôle. Avec une mesure phare : l’instauration d’un contrôle indépendant, a posteriori et aléatoire, des émissions polluantes des véhicules en circulation. Une initiative qui ne manquera pas de faire grincer des dents chez les constructeurs. D’autant qu’il reviendrait à un organisme permanent et indépendant, sur le model du BEA-Aviation (le bureau enquêtes et analyses dans le secteur de l’aviation), d’opérer ces contrôles. Mais c’est là « le levier le plus déterminant et le plus dissuasif pour éviter toute tricherie », assure la députée qui souhaite déposer rapidement une proposition de loi en ce sens à l’Assemblée nationale.

Dès la semaine prochaine, lors du débat du projet de loi de finances, la députée des Deux-Sèvres va proposer la suppression progressive, sur cinq ans, de tous les avantages fiscaux au diesel, y compris pour les véhicules d’entreprise. Ainsi que l’accélération de la montée en puissance de la composante carbone prélevée sur les taxes appliquées aux énergies fossiles, afin de renforcer l’attractivité économique des véhicules propres.

« Les technologies arrivent à maturité pour déployer le véhicule zéro émission de masse et accessible à tous », souligne Delphine Batho. Ce faisant, les constructeurs doivent prendre la mesure des évolutions d’usage de la voiture et passer d’une logique de producteur à une logique de fournisseur de services de mobilité (autopartage, covoiturage, location entre particuliers, location avec option d’achat).

A ces deux défis industriels – l’évolution des usages et la voiture propre –, se conjugue un troisième, non moins essentiel, celui de l’intelligence artificielle embarquée. « C’est là un enjeu central dans le virage à prendre, assure-t-elle, si l’on veut éviter que les constructeurs ne deviennent de simples fournisseurs de carrosserie pour les géants du numérique. »

« Ce virage écologique et technologique appelle un puissant soutien de l’Etat en recherche et développement », insiste la députée qui veut croire possible un « patriotisme industriel », une « alliance française écologie-automobile » entre l’Etat et les industriels pour porter l’offre française sur le front des révolutions majeures de la mobilité.

Après la Norvège, les Pays-Bas, ou encore l’Autriche, le conseil fédéral allemand vient d’adopter, le 23 septembre, une résolution portant sur le bannissement des véhicules diesel et essence d’ici à 2030. Pour Delphine Batho, « cette décision allemande devrait servir de piqûre de rappel pour que cela bouge en France. »