L’organisation djihadiste Etat islamique aurait procédé à sa première attaque de drones avec succès la semaine dernière, à l’aide d’un drone disponible dans le commerce pour envoyer des explosifs et tuer deux combattants kurdes. Deux parachutistes français auraient aussi été blessés. Le phénomène est l’aboutissement d’efforts anciens. Les forces kurdes ont rapporté que deux petits drones chargés d’explosifs ont été abattus en décembre, et les rapports sur l’EI indiquant que l’organisation utilise des drones commerciaux pour la reconnaissance et la propagande vidéo remontent à 2014, rappelle Techcrunch. Mais l’attaque récente montre que pour la première fois les combattants de l’EI ont transformé un drone de loisir en une arme mortelle, rapporte le New York Times. L’attaque est aussi un problème pour les entreprises de drones commerciaux – en particulier DJI, le fabricant du populaire Phantom – qui sont maintenant confrontés à des questions sur la façon dont leurs produits se retrouvent dans les mains du groupe terroriste le plus connu du monde. DJI contrôle environ 60 à 70 % du marché du drone commercial, et The New York Times a suggéré qu’un Phantom aurait pu être utilisé dans l’attaque : « L’EI utilise des drones disponibles dans le commerce, tels que le DJI Phantom, qui peut être acheté sur Amazon. » Si DJI nie que son drone ait été utilisé dans l’attaque, elle reconnaît que l’EI a utilisé ses drones pour effectuer de la surveillance. Le Phantom pèse moins de 2 kg et peut facilement être caché dans un sac à dos et amené sur le champ de bataille. DJI dit se conformer à des lois strictes sur la vente et l’importation des drones au Moyen-Orient et ne vend pas ses drones directement en Irak ou en Syrie. Mais ses drones sont susceptibles d’être vendus à l’EI au marché noir. DJI a également contesté l’idée que la Phantom pourrait être utilisé pour fournir une charge utile explosive. Il ne peut transporter qu’environ 200 g, et tout poids supplémentaire réduit son autonomie de vol. Cependant, la bombe utilisée dans l’attaque a été déguisée en batterie et contenait « une très petite quantité d’explosifs », selon le New York Times. Mais DJI ne peut pas faire beaucoup pour lutter, sauf tracer l’origine d’un drone par son numéro de série. Les drones de DJI sont fabriqués dans une usine à Shenzhen, en Chine. Un numéro de série révélerait quand le drone a été produit et s’il a été acheté directement chez DJI ou par un revendeur tiers. DJI utilise le géorepérage (geofencing en anglais) dans la région pour décourager l’utilisation des Phantom sur le champ de bataille. C’est une fonction d’un logiciel de géolocalisation qui permet de surveiller à distance la position et le déplacement d’un objet et de prendre des mesures si la position ou le déplacement s’écarte de certaines valeurs fixées d’avance. DJI a introduit le geofencing il y a trois ans afin d’empêcher les consommateurs de faire voler leurs drones à proximité des zones restreintes comme les aéroports, les prisons et les centrales nucléaires. DJI dit que l’Irak et la Syrie sont désignés comme des « zones de sécurité » et que les utilisateurs sont informés que la zone n’est pas recommandée pour le vol. Cependant, la société n’a pas interdit les vols dans la région comme elle le fait à Washington D.C. pour des raisons de sécurité nationale. DJI fait valoir que l’interdiction de tous les vols Phantom paralyserait le bon travail accompli par les ONG qui utilisent aussi ses drones. Et l’interdiction pourrait théoriquement être contournée, puisque les Phantom ne sont pas livrés avec le cryptage de niveau militaire qui empêcherait un utilisateur d’altérer les restrictions au vol. Une solution pourrait être trouvée dans le marché à la consommation – certaines entreprises développent des moyens d’abattre les drones en utilisant des ondes radio.