L’Unesco adopte une résolution controversée sur Jérusalem
L’Unesco adopte une résolution controversée sur Jérusalem
Par Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant)
Israël dénonce la négation des liens historiques entre les juifs et le mont du Temple, soit l’esplanade des Mosquées pour les musulmans.
Le Dôme du rocher le 14 octobre, ou Qubbat As-Sakhrah en arabe, se trouve sur le site religieux connu comme celui de l’esplanade des Mosquées pour les musulmans et de mont du Temple pour les juifs dans la vieille ville de Jérusalem. | MENAHEM KAHANA / AFP
Peu de pays attachent autant d’importance qu’Israël aux votes de l’Unesco. L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture s’est attiré une nouvelle fois les foudres de l’Etat hébreu, mardi 18 octobre, en adoptant en conseil exécutif une résolution controversée qui concerne notamment la vieille ville à Jérusalem-Est.
Ce texte, déjà soumis au vote en commission le 13 octobre, ne fait référence qu’aux noms musulmans des sites religieux, en évitant par exemple l’expression mont du Temple pour l’esplanade des Mosquées. En semblant nier les liens historiques et spirituels du judaïsme avec ce lieu, l’Unesco a provoqué une condamnation unanime de la part des dirigeants du pays, qui fustigent la partialité anti-israélienne de la plupart des forums multilatéraux.
Le 13 octobre, l’Allemagne, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont fait partie des six pays qui se sont opposés au texte. La France figurait parmi les 26 qui se sont abstenus, tandis que 24 votaient pour, dont la Chine, la Russie et l’Egypte. Depuis des années, l’Unesco sert de tribune privilégiée pour les défenseurs de la cause palestinienne. L’organisation est aussi devenue une sorte de coupable idéal pour le gouvernement israélien, qui serre ainsi les rangs et éloigne le débat sur l’occupation elle-même. En avril, l’Unesco avait déjà adopté une résolution similaire. La France avait alors voté pour, au terme d’un imbroglio diplomatique suscitant la colère d’Israël et de la communauté juive française. Le gouvernement et l’Elysée s’étaient ensuite confondus en excuses, promettant une plus grande vigilance à l’avenir.
« Théâtre de l’absurde »
Israël, qui avait suspendu fin 2011 le versement de son soutien financier à l’Unesco après l’acceptation de la Palestine comme membre, a décidé de rompre tout contact officiel avec l’organisation. C’est le ministre de l’éducation, Naftali Bennett, qui en a fait l’annonce dès le 14 octobre, en dénonçant dans une lettre ouverte le « soutien immédiat au terrorisme islamiste » apporté par les votants.
De son côté, le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a dénoncé le « théâtre de l’absurde » qui se déroulerait au sein de l’organisation. « Et quoi ensuite ? Une décision de l’Unesco niant la connexion entre le beurre de cacahouète et la confiture ? Batman et Robin ? Le rock et le roll ? », a-t-il ironisé sur son compte Twitter. Pour le chef du gouvernement, ce vote porte atteinte toutefois à l’une de ses grandes ambitions diplomatiques : briser la majorité anti-israélienne systématique en Afrique et parmi les pays arabes à chaque vote lié à l’occupation.
What's next? A UNESCO decision denying the connection between peanut butter and jelly? Batman and Robin? Rock and roll?
— netanyahu (@Benjamin Netanyahu)
La directrice de l’Unesco, Irina Bokova, a immédiatement pris ses distances avec ce texte, voulu par plusieurs pays arabes. « L’héritage de Jérusalem est indivisible, et chacune de ses communautés a le droit à une reconnaissance explicite de son histoire et de sa relation avec la ville », a-t-elle souligné dans un communiqué. Le Mexique comptait demander un nouveau vote mardi afin de changer sa propre décision du 13 octobre en faveur d’Israël. Mais le pays a finalement choisi de faire une simple déclaration au cours du conseil exécutif pour manifester son changement de position, dû à une formulation biaisée du texte, qu’il semblait soudain découvrir.
La résolution désigne Israël sous l’expression « puissance occupante ». Elle dénonce la poursuite de fouilles archéologiques à Jérusalem-Est, en particulier à l’intérieur et autour de la vieille ville. Elle appelle à la « restauration du statu quo en vigueur jusqu’en 2000 » sur l’esplanade des Mosquées, qui était exclusivement gérée par les administrateurs jordaniens de la Waqf. Le texte déplore « l’escalade d’agressions et de mesures illégales » contre ses membres ainsi qu’à l’encontre des croyants musulmans souhaitant se rendre à la mosquée Al-Aqsa, lieu régulièrement « pris d’assaut par les extrémistes de la droite israélienne ». Le mur des Lamentations est désigné sous l’expression arabe place Al-Bouraq, ce qui pour les médias israéliens constitue une sorte d’expropriation sémantique.