Capture d’écran du faux site de campagne DeepDrumpf. | DeepTrumpf

« Jusqu’où va la stupidité de ces politiciens ? Ils nous tuent, mais ça, personne ne le dit. Nous avons besoin d’un leader capable de déclencher une guerre. » Ce tweet est-il issu de Donald Trump ou d’un compte parodique ? Il n’est pas forcément facile de répondre à cette question, tant les fulgurances du candidat à la Maison Blanche peuvent parfois laisser pantois. Cette fois, c’est en fait une intelligence artificielle, déployée sur Twitter, qui est à l’origine de ce tweet. Depuis mars, ce « bot » (contraction de robot) s’attache en effet à imiter le candidat à la présidentielle américaine en se fondant sur ses propres mots.

DeepDrumpf, c’est son nom, a été créé par Brad Hayes, chercheur au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT). En se nourrissant des précédents discours et tweets de Donald Trump, ce programme, conçu grâce au deep learning, recompose des phrases de toutes pièces. Le résultat est loin d’être parfait : de nombreux tweets sont incohérents ou peu crédibles, mais font office de bonne parodie :

« Si je gagne, j’ordonnerai à mon ministre de la justice de mettre au pouvoir des racistes. Nous allons commettre de super crimes avec mon programme. »

« Si à la fin je ne l’emporte pas, je vais virer tous les Américains. Vous ne pouvez pas obtenir la paix si je ne la souhaite pas. »

« [Je ne sais rien de la Russie] et Hillary n’a pas su régler ça. Pareil pour l’économie. Je vais être super pour l’emploi. Comment ? Je ne vous le dirai jamais. »

Un faux site de campagne

En fin de compte, « ce qui ressort est un langage peu naturel, imprévisible, parfois peu compréhensible – ce qui veut dire que c’est une assez bonne imitation de l’homme en question », ironise le magazine spécialisé Wired. Donald Trump se révèle en fait être un modèle assez pratique pour concevoir ce type de bot, assure le chercheur. « Il s’interrompt beaucoup et fait pas mal de digressions, a-t-il souligné dans les colonnes de la MIT Technology Review. Il tend à utiliser un langage assez simpliste. »

Ravi du succès de son bot, qui a réuni plus de 25 000 abonnés sur Twitter, Brad Hayes a poussé la logique plus loin en lançant en octobre un faux site de campagne pour DeepDrumpf, qui, en plus de rassembler des tweets par thématique, encourage les internautes à s’inscrire sur les listes électorales mais aussi… à faire un don pour sa campagne. Ceux-ci seront en fait reversés à l’association Girls Who Code, qui promeut une meilleure représentation des femmes dans le milieu des nouvelles technologies. « C’est un très bon choix étant donné la nature misogyne du candidat », a expliqué le chercheur à Wired.

Des bots pro-Trump

Ce n’est pas la première fois qu’un bot se mêle de cette campagne. L’équipe d’Hillary Clinton a elle-même créé Text Trump, un bot qui fonctionne sur mobile. Ce programme envoie aux personnes qui le demandent des textos contenant des citations de Donald Trump – des vraies cette fois – soigneusement sélectionnées pour nuire au candidat. L’utilisateur peut l’interroger sur différentes thématiques, et le bot lui renvoie une citation, source à l’appui, en lien avec le sujet.

Le « bot » BFF Trump partage des citations de Donald Trump sur Facebook Messenger. | BFF Trump / Facebook Messenger

Dans la même veine, une agence de communication a de son côté créé un bot pour Facebook Messenger, qui dialogue avec l’internaute et lui envoie des citations de Donald Trump, en lui donnant des liens vers les sources permettant de vérifier leur authenticité.

Mais Donald Trump sait lui aussi tirer profit des bots. Le chercheur d’Oxford Philip Howard, qui s’intéresse à la « propagande computationnelle », a analysé les tweets publiés autour du débat entre les deux candidats à la présidentielle américaine, rapporte la BBC. Selon ses travaux, 32,7 % des tweets pro-Trump, soit près d’un tiers, seraient en fait l’œuvre de bots, contre 22,3 % des tweets pro-Clinton. En tout, affirme le chercheur, 576 178 tweets auraient ainsi été publiés automatiquement en faveur de Donald Trump, contre 136 639 pour Hillary Clinton.