Au Burkina Faso, des lampes solaires fabriquées en Afrique pour l’Afrique
Au Burkina Faso, des lampes solaires fabriquées en Afrique pour l’Afrique
Par Morgane Le Cam (contributrice Le Monde Afrique, Ouagadougou)
Inaugurée en octobre à Dédougou, l’entreprise française Lagazel part à l’assaut de la concurrence asiatique sur le marché des lampes solaires.
L’atelier est éclairé mais, à son poste, Moumouni Fofana travaille dans la pénombre. Par de légers à-coups, le fer à souder établit le contact entre le fil électrique et la piste de cuivre du circuit imprimé. Et la lumière fut. D’un pas énergique, Bana Coulibaly vient récupérer le circuit et passe à l’étape suivante. « Maintenant, il faut assembler tous les composants », explique-t-il.
C’est à son poste que les deux lignes de fabrication, l’une chargée de monter le panneau solaire, l’autre de produire la lampe, se rejoignent. Après avoir transité dans une vingtaine de mains différentes, la lampe solaire atterrit dans un carton orange et noir où est inscrit son « pedigree » : « Lampe solaire Lagazel K1500, garantie deux ans, 24 heures d’éclairage pour un jour de charge. »
Ce sont les tout premiers cartons que sort Lagazel. L’entreprise française spécialisée dans la fabrication de lampes solaires a démarré la commercialisation de ses deux modèles KALO, LK1500 et LK3000, le 17 octobre. Pour lancer leurs activités, les deux frères fondateurs, Arnaud et Maxence Chabanne, ont choisi d’implanter leur premier atelier de fabrication à Dédougou, une commune rurale de l’Ouest du Burkina Faso.
Croire en un produit fabriqué en Afrique
Car, dans les campagnes burkinabées, le taux d’électrification avoisine les 3 %, contre 59 % dans les villes. Une fois la nuit tombée, la lampe solaire est souvent le seul moyen d’éclairage à disposition des populations. « Le noir des nuits africaines m’a interpellé, raconte Arnaud Chabanne. Il n’y a pas assez de production de petits équipements solaires pour répondre à tous les besoins et la majeure partie des produits que l’on trouve sur le marché viennent de Chine. »
Pour les deux frères, ce quasi-monopole asiatique est insensé. En 2015, ils décident donc de créer ce qu’ils affirment être la première entreprise industrialisant la fabrication de lampes solaires en Afrique. Leur structure est le résultat de l’association de leurs deux entreprises. CB Energie, dirigée par Arnaud Chabanne, implantée à Dédougou depuis plus de dix ans, a déjà fabriqué près de 30 000 lampes solaires. Chabanne, la société de Maxence Chabanne, est basée en France et s’est spécialisée dans la transformation des métaux.
Dans l’usine de fabrication des lampes Lagazel , à Dedougou, au Burkina Faso, qui a ouvert le 13 octobre 2016. | AHEMED OUOBA/AFP
« Notre plus gros défi est que les gens croient en un produit qui soit fabriqué ici, en Afrique, et qu’ils arrêtent de croire que ce qui vient de loin est forcément mieux », poursuit Arnaud Chabanne en faisant le tour de son atelier.
Derrière le directeur général, une graveuse inscrit un numéro de série sur chacune des lampes fabriquées pendant qu’un employé teste les appareils. « Nous avons les mêmes standards qu’une usine occidentale, la traçabilité de nos produits est garantie », revendique-t-il.
Pour que les lampes KALO répondent aux normes internationales, la vingtaine d’employés de Dédougou a été formée. « Avant, j’étais couturier. Puis j’ai travaillé ici, pendant sept ans pour CB Energie, se remémore Souleymane Diarra en introduisant la carte électronique dans la coque de la lampe. J’étais au poste emballage. Cette année, j’ai été formé pendant un mois et maintenant je fais un travail plus intéressant. »
Ambitions d’exportation
Excepté la batterie et un composant du panneau solaire, l’intégralité des éléments de la lampe est d’origine française. Les deux modèles, l’un classique et l’autre permettant de recharger un téléphone, sont respectivement vendus 13 000 francs CFA (19,10 euros) et 22 000 francs CFA (33,50 euros). Beaucoup plus cher que la lampe entrée de gamme du géant Total, fabriquée en Chine et vendue 6 500 francs CFA (8,40 euros), mais qui n’éclaire qu’entre 4 et 8 heures par jour de charge.
En misant sur le rapport qualité-prix, Lagazel espère se positionner sur les marchés publics. Dans le vaste espace de stockage de l’atelier, quelques palettes soutiennent déjà plusieurs piles de cartons. « Ça, c’est une commande de 4 500 lampes pour les réfugiés qui sont dans les camps au nord du Burkina Faso », indique Arnaud Chabanne.
Dans l’usine de fabrication des lampes Lagazel , à Dedougou, au Burkina Faso, qui a ouvert le 13 octobre 2016. | AHEMED OUOBA/AFP
Un premier marché avant bien d’autres conquêtes commerciales espère le directeur général. A la mi-octobre, son entreprise a répondu à un appel d’offres du ministère de l’énergie concernant la fourniture de près de 25 000 lampes solaires pour les écoles burkinabées. Le challenge est de taille pour cet atelier capable de produire 150 000 lampes par an.
Ses produits devraient aussi bientôt s’exporter au Mali, au Niger, au Cameroun et au Sénégal, avant d’atteindre des contrées plus lointaines. Aujourd’hui, Lagazel se focalise sur la distribution depuis son site de Dédougou, mais un nouveau genre d’atelier est sur le point de voir le jour. Une ligne de production « hors sol » répartie dans trois conteneurs en tôle et permettant de fabriquer 200 000 lampes par an. Baptisé « L-Box », le concept nécessite un investissement d’environ 150 000 euros. Un moyen facile d’implanter la fabrication des lampes KALO partout sur le continent et de réaliser l’objectif affiché par Lagazel d’ici à 2020 : créer 150 emplois à travers l’installation de dix ateliers et vendre 1,3 million de lampes solaires fabriquées en Afrique pour l’Afrique.