Une série de violences aux abords et au sein des lycées d’Ile-de-France
Une série de violences aux abords et au sein des lycées d’Ile-de-France
Par Aurélie Collas, Mattea Battaglia
Alors que les enseignants réclament davantage de personnels, le rectorat estime que ces agressions ne sont pas seulement liées aux moyens humains.
Cinq agressions au sein ou aux abords d’établissements scolaires d’Ile-de-France avant le début des vacances de la Toussaint, et la peur d’un embrasement des banlieues refait surface. Cocktails Molotov lancés sur un lycée le 17 octobre, personnels de direction agressés par un élève dans leur bureau le 13, enseignante prise à partie par une adolescente cette fois-ci extérieure à l’établissement le 4…
Une « série noire » qui a tôt fait de prendre une tournure politique. Le premier ministre, Manuel Valls, a prôné la fermeté sur Twitter :
Seine-Saint-Denis et Val-d'Oise: l'État poursuivra sans relâche ceux qui s'en prennent à nos professeurs, nos écoles, nos forces de l'ordre.
— manuelvalls (@Manuel Valls)
Plus tôt dans la journée de mardi 18 octobre, Najat Vallaud-Belkacem avait martelé, sur RTL, la nécessité de « condamner absolument chacun de ces actes » et de « porter plainte ». Les Républicains, eux, ont déploré une réponse de la gauche « dramatiquement faible ».
Des événements de nature très différente
Du côté des élus comme du rectorat et des personnels de l’éducation, tout le monde perçoit, dans ces agressions, des événements de nature très différente. D’un côté, des violences urbaines, extérieures aux établissements, qui viennent les atteindre – c’est ce qui est relaté au lycée professionnel Hélène-Boucher de Tremblay-en-France et au lycée polyvalent Suger de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). De l’autre, des violences scolaires de la part d’élèves envers des adultes – au lycée ENNA de Saint-Denis, à Jean-Moulin au Blanc-Mesnil ainsi qu’à Epinay. D’autres agressions ont été relatées ces derniers jours, à Toulouse et à Calais.
« Je pense que s’attaquer à un lycée c’est s’attaquer à l’Etat, lâche un enseignant du lycée Hélène-Boucher de Tremblay qui a requis l’anonymat. Un Etat qui, pour une frange de la jeunesse, laisse certains lieux à l’abandon. »
Il était 8 heures, lundi 17 octobre, quand une cinquantaine de jeunes s’en sont pris à son établissement. Selon le parquet de Bobigny, la proviseure a pris des coups en voulant intervenir. Autre version des enseignants : « La proviseure s’est faite agresser par un individu, devant l’établissement ; et c’est quelques minutes après que les débordements – cocktails Molotov, tirs de mortier, pétards – ont eu lieu », affirme ce professeur, en faisant état de « rumeurs selon lesquelles il allait se passer quelque chose ». Car c’est le troisième épisode de violence que vit ce lycée : le 6 octobre, une trentaine de jeunes avaient renversé et brûlé deux véhicules devant l’entrée ; le 10 octobre, une rixe y avait eu lieu.
« L’échec scolaire peut être source de violence »
La question des réponses à apporter, elle, divise. Des moyens en plus, c’est la principale revendication de la communauté éducative. A Hélène-Boucher, on réclame un classement en zone d’éducation prioritaire, des assistants d’éducation – ce que la municipalité soutient également –, mais aussi une assistante sociale à plein-temps et une présence policière aux abords du lycée.
Même analyse au niveau du département : « C’est la question criante des moyens en Seine-Saint-Denis que révèlent ces événements, affirme Mathieu Logothétis, du SNES-FSU 93. Il nous manque des personnels pour traiter l’échec scolaire, et cet échec peut être source de violence. » Et de rappeler que pour plus de 4 000 élèves supplémentaires à la rentrée 2016 dans les collèges et lycées, l’Etat n’a ouvert aucun poste de conseiller principal d’éducation ou d’assistante sociale.
Du côté du rectorat – où aucun chiffre, dit-on, ne vient « objectiver » une augmentation de la violence dans les établissements – on laisse entendre que ce n’est pas seulement une question de moyens en personnels d’éducation. « Lorsqu’un chef d’établissement est victime de violences, est-ce que la présence d’assistants d’éducation peut changer quelque chose ? Ils n’ont pas une mission de maintien de l’ordre », y explique-t-on, sans aller jusqu’à dire que la solution relèverait de moyens policiers.
« Cette succession de faits relève-t-elle d’une coïncidence ou illustre-t-elle une poussée de violence dans les lycées ? Il est trop tôt pour le dire », fait valoir David Proult, adjoint à la mairie de Saint-Denis. Mais pas trop tôt, selon lui, pour questionner les conditions d’accueil des lycéens : « Avec la massification scolaire, des jeunes autrefois exclus du système s’y accrochent, et on martèle qu’ils y ont leur place, lâche l’élu. Mais le système s’est-il adapté à eux ? C’est aussi cette question que les violences posent. »