La presse britannique s’inquiète des conséquences du démantèlement de la « jungle » à Calais
La presse britannique s’inquiète des conséquences du démantèlement de la « jungle » à Calais
Alors que l’évacuation de la « jungle » a débuté lundi, les médias britanniques estiment que les migrants voudront toujours se rendre en Grande-Bretagne.
- Lundi 24 octobre, premier jour de l'opération de démentèlement de la Jungle de Calais. | ANTONIN SABOT / LE MONDE
Une évacuation en mondovision : près de 700 journalistes venus des quatre coins du monde étaient présents, lundi 24 octobre, pour le début du démantèlement de la « jungle » de Calais. De l’autre côté de la Manche, l’opération fait la « une » de toute la presse britannique mardi, alors que beaucoup de migrants souhaitent encore rejoindre la Grande-Bretagne.
Présent sur place, le Daily Mail explique ainsi que de nombreux habitants de la « jungle » ont fait savoir « qu’ils allaient intensifier leurs efforts pour traverser la Manche par tous les moyens nécessaires ». Le quotidien britannique conservateur cite notamment Imran Ali, un Afghan de 20 ans : « Nous devons aller au Royaume-Uni. Je préférerais mourir que rester ici. En France (…) ils traitent les réfugiés comme des chiens. »
« La “jungle” est une honte pour l’humanité »
La file d’attente des mineurs isolés déborde jusque sur les vieux rails SNCF au premier jour de l’opération de démantèlement de la « jungle » de Calais, lundi 24 octobre. | ANTONIN SABOT / LE MONDE
De son côté, le Daily Mirror, tabloïd classé à gauche, se félicite lui de l’arrivée de réfugiés. Dans son éditorial, cité par la BBC, il estime qu’ils peuvent être positifs pour l’avenir du Royaume-Uni : « La “jungle” est une honte pour l’humanité et doit fermer, donc il est normal qu’un pays comme le nôtre joue son rôle. » Le ton se fait plus sévère chez le Daily Mail. Sa « une » de mardi, qui s’adresse aux Britanniques, est sans équivoque : « Vous allez payer 36 millions de livres [40 millions d’euros] pour l’évacuation du camp de Calais. »
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Le quotidien conservateur fait référence à l’annonce, lundi soir, par la ministre de l’intérieur britannique, Amber Rudd, de la décision d’injecter cet argent pour maintenir ses contrôles aux frontières à Calais et s’assurer que la « jungle » reste de l’autre côté de la Manche. Le Daily Mail rappelle qu’en plus de cette somme la Grande-Bretagne « a déjà promis 80 millions de livres afin de payer les entreprises privées de sécurité pour patrouiller dans les ports du nord de la France pour trois ans », ainsi que « 2 millions de livres pour financer le mur construit à Calais pour empêcher les passagers clandestins de traverser la Manche ».
« Cela signifie que les contribuables britanniques font face à une facture totale de 118 millions de livres pour sécuriser la “jungle” (…) alors que de nombreux migrants vont forcément revenir », déplore le tabloïd.
« De nombreux migrants vont forcément revenir »
D’autres journaux ont eux choisi de mettre en avant la situation humaine plutôt que les enjeux financiers du démantèlement. Ainsi, le Morning Star, classé à gauche, évoque la situation des enfants isolés qui seraient encore près de 1 500 dans le camp de Calais, selon les associations sur place. « La situation pour les mineurs non accompagnés reste désespérée (…). Aucune disposition particulière n’a été prise pour garantir la sécurité des enfants », s’alarme le quotidien. Sur le même ton, l’envoyée spéciale de l’Independent raconte avoir aperçu « de nombreux enfants errants dans le camp demandant désespérément des volontaires pour savoir quoi faire dans le centre d’enregistrement ».
Du côté de l’Ecosse, le journaliste Paris Gourtsoyannis, pour Scotsman, craint que des migrants reviennent « dormir dans la rue, dans les broussailles, près de l’autoroute où ils peuvent monter à l’arrière d’un camion » pour rejoindre la Grande-Bretagne. Et il rappelle que lundi, tandis que « la police [démantelait] le camp à Calais, les gardes-côtes italiens ont sauvé pas moins de 2 000 migrants en Méditerranée ».
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Durée : 06:16
Le Guardian, comme la plupart des médias britanniques, ne se montre pas plus optimiste pour la suite des événements : « Malgré tous les efforts des autorités, il n’y a aucune garantie qu’un autre camp ne se formera pas dans la région. » Surtout, pour le quotidien, proche des travaillistes, la fermeture du camp, qui doit se terminer en fin de semaine, est « en grande partie motivée par la politique intérieure française », avec l’élection présidentielle de mai 2017 en ligne de mire et la renégociation des accords du Touquet signés entre la France et le Royaume-Uni en 2003, souhaitée par Nicolas Sarkozy ou encore Alain Juppé.
Après être revenu en détail sur le plan du ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, pour en finir définitivement avec ce camp (répartition des migrants dans l’Hexagone, sécurisation du tunnel sous la Manche, démantèlement des filières de passeurs…), le Guardian prévient donc : « Si cela ne fonctionne pas, la demande d’une action plus drastique se fera de plus en plus forte durant la campagne présidentielle. »