Les forces irakiennes visent les djihadistes, un à un, la nuit, dans les faubourgs de Mossoul
Les forces irakiennes visent les djihadistes, un à un, la nuit, dans les faubourgs de Mossoul
Par Hélène Sallon
A 5 km de la « capitale » de l’Etat islamique en Irak, dans les faubourgs de Bazwaya, les forces spéciales irakiennes débusquent les snipers de l’EI avant de reprendre leur avancée.
Dans les faubourgs de Bazwaya, le major Salam Jassim Hussein commande la « Division d’or » – les forces antiterroristes irakiennes. | LAURENT VAN DER STOCKT POUR LE MONDE
Il fait nuit noire. Il est à peine 21 heures, jeudi 27 octobre. Les blindés en colonne roulent au ralenti, phares éteints, à la périphérie de Bazwaya, un village aux mains de l’organisation Etat islamique (EI), à cinq kilomètres à l’est de Mossoul. Equipé d’un système de vision nocturne, le tank Abrams ouvre la route. Quelques tirs de mitrailleuses résonnent épisodiquement dans le faubourg où s’est établie, mardi 25 octobre, la « Division d’or » – les forces antiterroristes irakiennes.
Les Humvee rejoignent la ligne de front. A l’horizon, les premières lumières de la « capitale » de l’EI en Irak scintillent. Plus près, une fois l’œil habitué à l’obscurité, on distingue des habitations dans la pénombre, à quelques centaines de mètres. La petite ville de Bazwaya semble endormie.
Depuis la maison de briques où ils se sont installés, percée de meurtrières et équipée de caméras, les snipers de la division d’élite ont repéré, plus tôt dans la journée, du mouvement dans l’une des habitations. Sur un écran, trois combattants sont visibles et évoluent sur le toit d’une maison orange. La cible a été localisée sur la carte. Le major Salam Jassim Hussein, qui commande les opérations sur le terrain, a ordonné une « mission de neutralisation » nocturne.
Sur l’écran de l’appareil de vision thermique du tank, aucun autre mouvement que ceux d’animaux n’est détecté. | Hélène Sallon pour "Le Monde"
Cibler la maison des snipers de l’EI
Le tank Abrams s’arrête au milieu d’un champ rocailleux, la cible dans son angle de tir, entouré à bonne distance par les Humvee. Sur l’écran de l’appareil de vision thermique du tank, de petites sources de chaleur rougeoient. « On ne voit que quelques chiens et deux chats. Il y a aussi trois véhicules dans la cour de la maison et une petite camionnette », transmet le major Salam à la radio. Aucun autre mouvement n’est détecté.
La colonne fait marche arrière. Le major Jassem Bassem, en charge de la surveillance de la zone, guide l’équipée vers la maison des snipers, où l’angle d’observation est le meilleur. A la vision nocturne, les couleurs n’apparaissent pas. Lui seul connaît de mémoire le positionnement exact de la maison.
Sur le toit, le tank repère une position renforcée de sacs de sable. Une fenêtre est ouverte. Dans la pièce, une source de chaleur est détectée. Installé à bord du tank, le major Salam prévient de l’imminence du tir. Les militaires se réfugient derrière un immeuble. Les combattants de l’Etat islamique pourraient répliquer à coups d’obus de mortier et de missiles RPG9.
Le tank entame une série de tirs de mitrailleuse, qui s’élancent vers la cible, dessinant des flammèches rouges dans l’obscurité. Puis, dans un vacarme assourdissant, le canon décharge un obus de gros calibre. L’opération est répétée une seconde fois, quelques minutes plus tard. La cible est jugée neutralisée.
Bazwaya pilonnée depuis trois jours
Des dizaines de combattants de l’EI pourraient encore se trouver à Bazwaya. Ils ont évacué les civils vers Mossoul et ses faubourgs. Les lanceurs d’obus de mortiers et les pièces d’artillerie de la Division d’or pilonnent depuis trois jours la localité, en réponse au harcèlement des snipers et obusiers de l’EI.
Bazwaya est la prochaine cible des hommes de la division d’élite, mais l’ordre d’attaque n’a pas encore été donné. Ils n’attendront peut-être pas que les autres forces irakiennes – armée, police fédérale et combattants kurdes peshmergas – les aient rejoints autour de Mossoul, comme le veut le plan initial.
Les préparatifs sont déjà lancés alors même que les peshmergas sont enlisés au Nord, à Bashiqa, et que les forces fédérales ont encore trente-cinq kilomètres à parcourir pour rejoindre Mossoul par le Sud.
Dans l’attente, les hommes du major Salam s’occupent en aménageant la maison cossue qu’ils ont investie dans une rue de ce faubourg, Mouaskar Jenine. Le jardin a été débroussaillé et des chaises installées pour accueillir les généraux de passage et boire le thé le soir à l’air frais. Des canapés ont été rapportés des maisons voisines pour meubler le salon et les chambres à coucher. On a même fait venir un installateur d’Erbil, au Kurdistan irakien, pour brancher un routeur Internet et une télévision.
En plus des vivres livrés plusieurs fois par jour, les militaires ont désormais une échoppe, quelques maisons plus loin, pour acheter des cartes de recharge téléphonique, des tee-shirts et sous-vêtements de rechange, des boissons et des barres chocolatées. Ils ont quelques jours pour jouir de ce confort précaire, qu’ils reconstruiront de zéro au prochain village reconquis.
Le déminage sur la route de Mossoul, une des clés de la bataille contre l’EI en Irak