Peter Thiel au National Press Club, le 31 octobre. | ALEX WONG / AFP

Avec son soutien affiché à Donald Trump lors de la convention républicaine de Cleveland, et un chèque de plus de un million de dollars en faveur de la campagne de celui-ci, Peter Thiel fait figure d’exception dans la Silicon Valley. Alors que de Jeff Bezos (Amazon) à Mark Zuckerberg (Facebook), la très grande majorité des figures de la hi-tech américaine a manifesté sa défiance à l’égard du magnat de l’immobilier, le milliardaire, cofondateur de Paypal et premier investisseur de Facebook, s’est rangé derrière le candidat Trump. Invité, lundi 30 octobre du National Press Club, il est venu s’en expliquer.

En préambule M. Thiel a tenu à souligner que si la tournure prise par la campagne est « folle », elle ne l’est pas davantage que la situation dans laquelle se trouvent aujourd’hui les Etats-Unis. Et a d’entrée convenu qu’il ne partageait ni les outrances ni l’intégralité des propositions de Donald Trump.

Peter Thiel speaks at The National Press Club
Durée : 56:36

Cela posé, l’entrepreneur a clairement redit sa confiance en son candidat, assurant que celui-ci « n’est pas fou » et qu’au contraire M. Trump « montre la voie d’une nouvelle politique américaine qui en finit avec les démentis, et reprend prise avec la réalité. Ce n’est pas un manque de jugement qui conduit les gens à voter Trump, mais le constat d’une défaillance de nos dirigeants ». Et d’argumenter sur la multiplication des « bulles » – bulles Internet, de l’immobilier et aujourd’hui bulle des guerres –, les inquiétudes de la jeunesse, la pressurisation des petites entreprises…

« Twitter n’augmente pas le bien-être général »

Mais là où Peter Thiel a tenu un discours, sinon plus original, du moins plus personnel, c’est en évoquant la Silicon Valley et son aveuglement à l’égard de la situation du pays. Pour lui l’économie américaine se décompose entre « le monde des bits » (celui du numérique), très peu réglementé, et « un monde des atomes », confronté à des difficultés dont la Silicon Valley ignorerait tout. Au-delà, il a critiqué le storytelling qu’entretiendrait la Silicon Valley voulant que le succès de ses entreprises participe au bien-être commun : « Twitter n’augmente pas le bien-être général », a-t-il résumé.

M. Thiel a aussi évoqué la manière dont son engagement auprès de Donald Trump a été reçu dans la Silicon Valley. Il s’est dit très étonné de l’ampleur prise par le débat sur le sujet, contraire à l’image de tolérance que véhicule traditionnellement le haut lieu des industries technologiques. Il assure également que d’autres personnalités de la Silicon Valley (« pas un grand nombre, un petit nombre ») lui auraient confié ne pas oser afficher publiquement leur soutien à Donald Trump. Sa prise de position, assure-t-il, n’a cependant pas, à ce jour, d’impact « significatif » sur son activité.

Devant un parterre de journalistes, l’entrepreneur a également dû s’expliquer sur son implication dans la condamnation du site Gawker, qui avait publié une sextape de Hulk Hogan, condamnation qui avait obligé le site à mettre la clef sous la porte. M. Thiel avait en toute discrétion financé, à hauteur de 10 millions de dollars, la défense de M. Hogan contre ce site, qui avait quelques années plus tôt révélé son homosexualité.

Aux questions répétées sur le sujet, M. Thiel a répété à l’envi que Gawker devait faire honte aux journalistes, utilisant pour le qualifier l’expression de « voyou sociopathe ». Maladroite, sa ligne de défense sur le coût de la justice aux Etats-Unis – inabordable pour « un simple millionnaire comme Hulk Hogan » (« Single-digit millionaires »), a été largement raillée.

Interrogé sur le fait que sa démarche contre Gawker créait un précédent dangereux, il a assuré avoir le plus grand respect pour les journalistes. Il a ajouté n’être actuellement engagé dans aucune poursuite judiciaire contre un média.