Une assurance voulait définir ses prix en fonction des publications Facebook de ses clients
Une assurance voulait définir ses prix en fonction des publications Facebook de ses clients
Admiral, une importante compagnie britannique, comptait établir le profil psychologique de ses clients à partir de Facebook, pour définir le prix de leur assurance automobile.
Une compagnie d’assurances a voulu exploiter les publications de ses clients sur Facebook. | JOEL SAGET / AFP
« Nous voulons nous assurer que les conducteurs prudents obtiennent le meilleur prix possible. Pour cela, nous regarderons dans votre profil Facebook pour nous permettre de mieux comprendre le type de conducteur que vous êtes. » C’est écrit noir sur blanc sur le site d’Admiral, une des plus importantes compagnies d’assurance britanniques : celle-ci veut se connecter aux comptes Facebook de ses clients pour déterminer le prix de leur assurance automobile. « Il a été prouvé qu’il existe un lien entre la personnalité et la façon de conduire, et notre technologie intelligente nous permet de prédire qui est plus à même d’être un conducteur prudent. »
Ce programme, appelé FirstCarQuote, devait être lancé cette semaine. Mais il a été finalement retardé pour « régler des derniers détails », peut-on lire sur le site. Un « détail » qui s’appelle Facebook : l’entreprise a bloqué in extremis ce projet, en contradiction avec ses règles d’utilisation, rapporte le magazine spécialisé The Verge, citant un porte-parole de Facebook. Le règlement stipule qu’il est interdit d’exploiter les données de Facebook à certaines fins, comme « prendre des décisions concernant une candidature ou sur le taux d’intérêt à fixer sur un prêt ».
Analyse des points d’exclamation
Avant d’être bloqué, le programme était très avancé. Il se destinait principalement aux jeunes conducteurs, qui se dotent d’une assurance automobile pour la première fois. Dans son fonctionnement, les individus perçus comme consciencieux et bien organisés étaient avantagés, explique le Guardian. Mais comment le savoir avec Facebook ? Toujours selon le quotidien britannique, le programme automatique considère que certains critères sont représentatifs de ces traits de caractère, comme par exemple « écrire des phrases courtes et concrètes, faire des listes et organiser ses rendez-vous avec ses amis de façon précise, pas seulement en disant “ce soir” ». Le programme devait aussi repérer les personnalités qu’il jugerait trop sûres d’elles, si elles utilisent beaucoup de points d’exclamation et fréquemment des mots comme toujours ou jamais plutôt que peut-être.
Ces critères étaient censés évoluer au fil de l’expérience : le programme aurait dû les affiner au fur et à mesure (s’il remarquait par exemple que les utilisateurs de tel ou tel mot avaient statistiquement plus d’accidents). Admiral avait précisé que les publications récentes seraient davantage prises en compte, et que son programme n’exploitait pas les photos.
« Pratiques abusives »
L’entreprise avait assuré que ce programme devait permettre aux jeunes conducteurs, souvent considérés comme une population à risque, d’obtenir des réductions de 5 à 15 % – il ne pouvait pas en revanche générer d’augmentation de prix. La participation à ce programme était volontaire et ouverte à d’autres catégories de clients qui souhaiteraient s’y inscrire.
L’association britannique Open Rights Group, qui s’intéresse à la défense des données personnelles, s’est félicitée de la décision de Facebook dans un communiqué et a souligné les dangers de telles pratiques :
« Nous devons nous interroger sur les conséquences quand nous permettons à des entreprises de prendre des décisions qui nous affectent, sur le plan financier ou autre, en s’appuyant sur ce que nous avons dit sur les réseaux sociaux. Ces pratiques abusives pourraient mener à des prises de décisions contre certains groupes avec des biais concernant la race, le genre, la religion ou la sexualité – ou parce que les publications analysées les mettraient dans une case de personnes non conventionnelles. »
L’association souligne aussi que cela pourrait, à terme, « changer la manière dont les personnes utilisent les réseaux sociaux, en encourageant l’autocensure ».