Affaire Tefal : les plaintes de l’inspectrice du travail classées par le parquet
Affaire Tefal : les plaintes de l’inspectrice du travail classées par le parquet
Par Bertrand Bissuel
Laura Pfeiffer estime avoir été harcelée par sa hiérarchie et entravée dans l’exercice de ses fonctions.
C’est une nouvelle déconvenue pour Laura Pfeiffer. Cette inspectrice du travail, basée en Haute-Savoie, avait déposé plainte pour harcèlement moral à l’encontre de son supérieur hiérarchique. Elle avait également adressé au parquet un procès-verbal pour dénoncer les obstacles qui avaient, selon elle, été dressés pour l’empêcher de remplir sa mission. La procureure de la République d’Annecy, Véronique Denizot, vient de classer ces deux procédures, estimant que les faits n’étaient pas établis. La décision du ministère public intervient dans un dossier particulièrement complexe, comportant plusieurs facettes, qui avait valu à Laura Pfeiffer d’être condamnée à une amende (avec sursis) pour violation du secret professionnel et recel de documents confidentiels appartenant à une entreprise privée.
A l’origine de cette affaire, qui a provoqué de fortes tensions dans les services du ministère du travail, il y a des e-mails, envoyés ou reçus en 2013 par la direction de l’usine Tefal de Rumilly (Haute-Savoie). Ils avaient été communiqués à Laura Pfeiffer par un salarié de cette société, qui se les était procurés frauduleusement et les avait donnés à l’inspectrice du travail à l’insu de son employeur.
Faits troublants
Ces courriels avaient mis en évidence des faits troublants. Ils laissaient penser que les dirigeants de Tefal avaient cherché à obtenir la mutation de l’inspectrice du travail en intervenant auprès de son supérieur hiérarchique, Philippe Dumont. Le fabricant d’articles de cuisine n’avait pas digéré que Laura Pfeiffer lui demande, début 2013, de renégocier un accord sur le temps de travail qu’elle jugeait illégal. Il vivait mal les interventions répétées de celle-ci à son égard, y voyant une forme d’acharnement injustifié.
En avril 2013, Philippe Dumont, le chef de Laura Pfeiffer, avait eu une discussion avec elle au sujet de Tefal ; leur tête-à-tête, au cours duquel il lui avait demandé d’avoir une position plus modérée, s’était très mal passé et l’inspectrice du travail était partie en arrêt maladie.
Autre élément intriguant, révélé par ces courriels : Tefal avait pris en stage un jeune, recommandé par Philippe Dumont. Un geste analysé par certains syndicalistes comme la preuve d’une connivence entre la société et le directeur départemental du travail.
Délit d’entrave
Laura Pfeiffer, elle, en avait déduit que sa hiérarchie relayait les pressions de Tefal pour « obtenir sa tête ». Elle avait transmis les courriels à plusieurs syndicats et l’affaire avait été déballée sur la place publique, en décembre 2013. Tefal avait porté plainte contre X pour « introduction frauduleuse dans un système de traitement automatisé de données ». La procédure avait permis de remonter à Laura Pfeiffer et à son « informateur ». Tous deux avaient été condamnés, en décembre 2015, à une amende. Jugement qu’ils ont contesté devant la cour d’appel de Chambéry ; celle-ci doit rendre sa décision le 16 novembre.
Parallèlement, Laura Pfeiffer avait donc déposé une plainte pour harcèlement moral contre Philippe Dumont et rédigé un procès-verbal pour signaler un délit d’entrave.
Mais d’après Véronique Denizot, « les éléments constitutifs de l’infraction ne sont pas réunis », au vu de « l’enquête approfondie » qui a été conduite. La procureure de la République, qui a pris ses fonctions à Annecy à la fin de l’été, considère par conséquent qu’il n’y a pas lieu de poursuivre les protagonistes visés par Laura Pfeiffer.
« Je ne suis pas extrêmement surprise par cette décision », réagit l’inspectrice du travail, qui dit avoir « l’habitude » de voir le tribunal d’Annecy se prononcer ainsi. « Je ne compte pas me laisser faire et en rester là », ajoute-t-elle, en évoquant l’hypothèse d’une « citation directe » des personnes qu’elle met en cause. A ses yeux, « les infractions sont établies et il faut a minima qu’elles soient examinées par une juridiction ».