54 heures pour lancer sa boîte
54 heures pour lancer sa boîte
Par Léonor Lumineau
L’attractivité des start-ups auprès des jeunes ne faiblit pas. Chaque semaine en moyenne en France, un événement est consacré à la création d’entreprises.
Un vendredi soir pluvieux de janvier, 19 h 30. Alors que la plupart de leurs amis fêtent le week-end autour d’un verre, une centaine de jeunes se pressent dans un amphithéâtre de l’université Paris-Dauphine. Inscrits à la craie sur le tableau noir, des codes Wi-Fi. Smartphones et sweats à capuche sont de sortie. Bienvenue au Startup Weekend.
« Tous les préalables au lancement seront passés à la loupe avant un « pitch » final devant un jury de professionnels. »
Le concept : « 54 heures pour créer une start-up », résume Damien Gromier, organisateur de ces événements à Paris. Du vendredi soir au dimanche soir, les participants vont travailler en équipe autour d’un projet d’entreprise. Etude de marché, clientèle ciblée, stratégie marketing et commerciale, revenus… Tous les préalables au lancement seront passés à la loupe avant un « pitch » final devant un jury de professionnels. A la clé, une série de lots. Mais surtout, une plongée express au cœur de l’aventure entrepreneuriale.
Lancés aux Etats-Unis en 2007, ces événements sont connus des « start-upeurs » : 2 900 ont été déjà organisés dans le monde, réunissant plus de 190 000 participants. En France, où le concept a débarqué en 2010, une cinquantaine de Startup Weekends se tiennent tous les ans.
Quinze projets sélectionnés
Un à un, les porteurs de projet défilent sous le tableau pour « pitcher » : application de conciergerie entre particuliers ; réseau social professionnel ; permaculture urbaine (cette méthode qui associe activité humaine et écosystèmes naturels, espaces urbains et agricoles… Soixante secondes pour attirer des votes ou de futurs coéquipiers. « Un tiers des participants sont étudiants, le reste sont de jeunes travailleurs », estime Damien Gromier.
Puis quinze jeunes pousses sont sélectionnées. Les équipes constituées débutent le travail. Ce soir, les portes de l’université fermeront à minuit.
Certains viennent avec un projet, mais la majorité rejoint une équipe. « J’ai toujours été intéressé par l’entrepreneuriat », explique Pierre Maury, 24 ans, consultant en recrutement qui a intégré Bonne pioche, un site d’intérim pour les jobs étudiants. « Ici, je peux prendre des contacts et emmagasiner des connaissances », dit-il.
« Pour moi, l’intérêt est de former une équipe avec des profils complémentaires au mien : design, marketing, finance… Peut-être certains continueront-ils l’aventure avec moi après », explique Loubna Ksibi, étudiante en master Innovation, réseaux et numérique à Dauphine et porteuse du projet Mama Cook’in (livraison de plats cuisinés par des femmes en réinsertion professionnelle).
Un aspect marathon
Le lendemain, les groupes sont répartis dans les salles de l’université. Les plus motivés sont arrivés à 7 h 30. L’équipe Bonne pioche travaille dur, aidée par Geoffroy de La Rochebrochard, directeur marketing de la start-up Save et mentor expert pour le week-end. « Les questions importantes sont : comment allez-vous démarcher les étudiants ? Quelles entreprises vont poster des annonces sur votre site et comment ? », énonce ce dernier devant l’équipe. « Faire une vidéo virale [diffusée partout grâce aux recommandations des réseaux sociaux] », « organiser un concours »… Les idées fusent. Marion Nathan, 28 ans, ex-manager chez Leroy-Merlin et porteuse du projet, note les idées sur des Post-it colorés.
Travailler en urgence et, qui plus est, avec des personnes que l’on ne connaît pas « est la magie du Startup Weekend », assure Hugo Caffarel, 27 ans, ex-commercial chez Michel & Augustin et porteur du projet « Mmmh », un conseiller culinaire personnel, avec lequel on discute via WhatsApp pour poser ses questions, obtenir des solutions concrètes et profiter de l’expertise des spécialistes. « Avoir un timing limité oblige à supprimer toutes les fioritures. Cela pousse à trancher. On produit deux fois plus que ce qu’on avait imaginé. »
Un aspect marathon qui est aussi la difficulté de l’exercice aux yeux d’Antoine Rolland, 27 ans, designer industriel et membre de l’équipe Mon Jardin (cupcakes à base de farine d’insectes) : « Il faut être capable de ne jamais perdre de vue la finalité de l’idée et de se challenger constamment malgré la fatigue. »
« Ne pas se faire piquer son idée »
Pour Christophe Fourleignie, membre du jury et professionnel de la communication, « s’en tenir à un week-end permet de valider son concept rapidement auprès d’un public large. Généralement, c’est une étape difficile, car on ne peut pas faire cela avec n’importe qui, il faut faire attention à ne pas se faire piquer son idée. Mais ici, la communauté est bienveillante ».
Dimanche soir vient le moment des pitchs finaux. « Il y a parfois des business angels dans la salle », confie Ahmed Dayb, étudiant en master 2 à Dauphine et co-organisateur de l’événement avec l’association Dauphine Genius. A l’issue des présentations, le projet Mon Jardin (depuis rebaptisé MonGrillon Cupcakes) remporte ce Startup Weekend. A la clé : un site vitrine et trois mois chez l’incubateur Paris & Co.
« La vraie richesse que vous avez gagnée, ce sont les gens que vous avez rencontrés, ce que vous avez appris ce week-end », s’enthousiasme Damien Gromier au micro. De fait, plusieurs start-up, gagnantes ou pas, sont nées à l’issue de précédents Startup Weekends. C’est le cas d’OptiMiam (place de marché Web entre consommateurs et commerces pour la vente d’excédents), qui vient de lever 500 000 euros, ou encore de MyFeelBack (questionnaires de satisfaction intelligents), qui a levé 1 million d’euros en 2014. « A l’issue de chaque événement, entre un et trois projets se concrétisent réellement en start-up », se réjouit Damien Gromier.