En France, la croissance anémique menace la réduction des déficits
En France, la croissance anémique menace la réduction des déficits
LE MONDE ECONOMIE
Alors que l’executif tablait sur 1,5 % de croissance, le ministre de l’économie, Michel Sapin, a revu à la baisse cet objectif : la hausse du PIB se situera entre « 1,3% et 1,5% » en 2016.
C’était un secret de Polichinelle. Michel Sapin, le ministre de l’économie et des finances, l’a reconnu, jeudi 3 novembre, sur France Info : en 2016, la hausse du produit intérieur brut (PIB) de la France se situera « quelque part entre 1,3 % et 1,5 % ». Jusque-là, l’exécutif tablait toujours officiellement sur 1,5 % de croissance pour cette année.
Pourtant, le 6 octobre, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) avait revu à la baisse sa prévision pour l’économie tricolore, à « à peine 1,3 % ». Soit très proche de la performance de 2015, où le PIB avait crû de 1,2 %. Mais à Bercy, on s’accrochait au chiffre de 1,5 %. Non sans jouer sur les mots. « Nous serons aux alentours de 1,5 % », avait affirmé M. Sapin début octobre.
Le 28 octobre, après la publication d’un chiffre de croissance décevant pour le troisième trimestre – le PIB tricolore a crû de seulement 0,2 % entre juillet et septembre 2016 –, le ministre avait fait un nouveau pas en arrière, admettant que son objectif serait « difficile à atteindre ». Et pour cause : « Compte tenu de la croissance des trois premiers trimestres, il aurait fallu que le PIB bondisse de 1,3 % au quatrième pour tenir l’objectif du gouvernement ! », souligne Axelle Lacan, économiste à l’institut de conjoncture Coe-Rexecode, proche du patronat.
D’ailleurs, le 2 novembre, le gouvernement avait fini par reconnaître discrètement en conseil des ministres qu’« il est possible que la croissance en 2016 soit légèrement plus faible que prévu ».
Ce « légèrement » et ses conséquences seront au cœur des débats des prochaines semaines. En matière de finances publiques, le bouclage du budget 2016, construit sur une hypothèse de croissance de 1,5 %, et le respect d’un déficit ramené à 3,3 % du PIB s’en trouvent mécaniquement compliqués. Pour Mme Lacan, « 0,2 point de PIB en moins, ce sont 4 milliards en moins de recettes pour l’Etat ».
Léger recul du taux de chômage
En revanche, sur le front de l’emploi, le gouvernement semble dans une situation moins délicate. En tout cas à court terme. « Depuis 2010, au vu de l’évolution de la productivité apparente du travail, une croissance de 1,1 % suffit pour permettre des créations nettes d’emplois dans le secteur privé », explique Mme Lacan. Le plan d’urgence pour l’emploi lancé par François Hollande en début d’année, qui combine une prime à l’embauche dans les PME et un plan de formation de 500 000 chômeurs, joue également en faveur d’un recul, même léger, du taux de chômage.
De fait, l’Insee anticipe quelque 165 000 créations de postes cette année (dont 117 000 emplois marchands). Un rythme « suffisant pour que le chômage baisse » dans l’Hexagone, à 9,5 % de la population active, contre 9,8 % un an plus tôt. « Les créations nettes d’emplois dans le secteur marchand (…) permettent à l’Insee de prévoir le plus bas taux de chômage depuis mi-2012 [9,4 % en France métropolitaine au troisième trimestre 2012] », s’était d’ailleurs félicité M. Sapin, début octobre.
A moyen terme cependant, « toute la question sera de connaître le contrecoup du plan de formation des chômeurs, courant 2017, quand ceux-ci rebasculeront dans la catégorie A de Pôle Emploi [sans emploi] », avertit Mme Lacan. Pour l’économiste :
« L’emploi a repris dans l’Hexagone malgré la mollesse de la croissance. Mais cela pourrait finir par pénaliser les résultats d’exploitation des entreprises, et donc l’investissement. »
D’autant que 2017 ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices. Entre la remontée attendue de l’inflation, à même d’écorner le pouvoir d’achat des ménages, et l’incertitude politique entourant la campagne présidentielle, peu de commentateurs se risquent à prévoir une accélération, ou même un maintien, du rythme de croissance actuelle pour l’an prochain. Pour l’instant, là aussi, le gouvernement détonne. Il s’accroche à sa prévision de… 1,5 % de croissance.