Le phénomène « Call of Duty » montre des signes d’essoufflement
Le phénomène « Call of Duty » montre des signes d’essoufflement
Par William Audureau
Réservations en baisse, concurrence accrue… Les indicateurs sont à l’orange pour « Infinite Warfare », le nouvel épisode de la saga de jeux de tir « CoD ».
« Infinite Warfare », le premier épisode dans l’espace, n’a pas suscité le niveau d’attente habituel de la série. | Activision
« Ils avaient dit qu’ils le mettraient en rayon à 20 heures pile au rayon jeux vidéo. Mais ça fait vingt minutes qu’on attend, ils est où le carton avec les jeux ? » Les regards sont teintés d’impatience blasée. Au fin fond de ce Carrefour du sud de Lyon, une poignée de joueurs d’une vingtaine d’années attendent en trépignant la sortie de Call of Duty : Infinite Warfare, le nouvel épisode d’une des séries les plus « bankables » du monde de la manette. Celui-ci sort officiellement vendredi 4 novembre, mais les plus impatients pouvaient l’acquérir la veille à 20 heures. Une tradition qui réunissait chaque année des dizaines de joueurs. Ils ne sont plus qu’une demi-douzaine.
Sur les coups de 20 heures, « Call of Duty » est devenu l’éphémère objet d’intérêt des clients de ce supermarché. | W.A.
Indicateurs à l’orange
« Call of », série de jeux de tir hollywoodiens nerveux et violents, n’est plus le bulldozer commercial qu’il était au début de la décennie. « D’habitude, la veille de sortie d’un Call of Duty, le téléphone sonne toutes les cinq minutes pour savoir à partir de quelle heure on le met en vente. Là, rien », relève un vendeur d’un Micromania du centre-ville de Lyon. « On est passé d’un jeu systématiquement ultrademandé à un jeu beaucoup moins réservé », corrobore Raphaël, gérant de jeuxvideo.fr, une boutique indépendante proche de la place Bellecour. A la Fnac la plus proche, on évoque des réservations en baisse de 30 %.
Lyon n’est pas une exception. Tous les indicateurs sont à l’orange, que ce soit au niveau national ou international. L’évolution des requêtes Google sur « Call of Duty » sur une période de cinq ans témoigne d’un lent et progressif déclin, avec des sursauts de moins en moins forts à chaque nouvelle sortie. Et le nouvel opus n’a jamais suscité aussi peu de recherches.
Visionnée 34 millions de fois, la bande-annonce de révélation d’Infinite Warfare, en mai, avait suscité un nombre record de commentaires négatifs – et 3,3 millions de pouces vers le bas sur YouTube. Sur le top Amazon des jeux les plus demandés, le jour de sa sortie, il n’apparaît qu’à une inhabituelle 12e place.
Dans l’ombre de « Battlefield 1 »
Pourquoi cette soudaine – et relative – indifférence ? Joueurs et observateurs en pointent essentiellement deux : la lassitude pour les conflits futuristes fictifs, dont Call of Duty a fait récemment sa spécialité, et la concurrence de Battlefield 1, sorti en octobre et au succès d’une ampleur inattendue. « C’est la bonne surprise de l’année, au niveau des réservations, il a même dépassé Call of Duty, c’est une première », observe-t-on du côté de Micromania, premier vendeur de jeux vidéo de France.
A contre-courant de « Call of Duty », « Battlefield 1 » revient aux conflits historiques. Il couvre 14-18, rarement exploité en jeux vidéo. | Electronic Arts
Pendant que la bande-annonce d’Infinite Warfare croule sous les commentaires négatifs, son concurrent réalise 48 millions de visionnages sur YouTube, dont une majorité de votes positifs. Les vendeurs relèvent à l’unanimité une explosion du niveau des réservations, de l’ordre du simple au double, par rapport à Star Wars Battlefront l’année précédente, du même studio et éditeur.
Battlefield 1 a pour lui de nombreux atouts. Il est visuellement plus beau, ses terrains d’affrontement sont immenses, ses parties en ligne longues et épiques, et surtout, il met en scène la première guerre mondiale. « Il y a une grande demande pour des armes réalistes de la part des joueurs », relève Raphaël, de jeuxvideo.fr. Dans un entretien avec le site Gameblog, Hugues Ouvrard, directeur de Xbox France, souligne qu’il est plus facile de s’investir émotionnellement dans un conflit historique que fictif, les enjeux et les forces en présence étant plus connus.
La carte de la nostalgie
« Ah, Infinite Warfare ça se déroule encore dans le futur ? Pfff », soupire un des joueurs ayant fait la queue à Carrefour pour obtenir le jeu à la première heure, sans manifestement s’enquérir de son contenu. Habitué de la série, il n’en attend rien d’autre que des parties en ligne courtes, intenses et nerveuses, son ADN depuis plusieurs années. Mais ces arguments ne suffisent plus.
Face à ce désintérêt naissant, Activision a tenté de réagir. Moyennant une quinzaine d’euros supplémentaire en plus d’Infinite Warfare, l’éditeur permet de télécharger la version remasterisée de Call of Duty Modern Warfare, jeu de 2007 qui a véritablement lancé le phénomène « Call of ». Même s’il s’agit d’un fichier numérique à télécharger, celui-ci n’est pas disponible indépendamment, et un verrou empêche l’utilisateur de le lancer s’il n’a pas inséré dans sa console le Blu-Ray d’Infinity Warfare. Tous les moyens sont bons pour pousser les ventes du dernier-né, et tenter de faire mentir la tendance.
Activision conditionne l’achat de « Modern Warfare » à celui d’« Infinite Warfare », une manière de pousser son nouveau-né. | W.A.