Tout comprendre aux négociations de la COP22
Tout comprendre aux négociations de la COP22
Par Simon Roger
Lundi s’ouvre à Marrakech la 22e conférence des Nations unies sur les changements climatiques. Un an après l’accord de Paris, de nombreux points restent en suspens.
Santes, près de Lille. | PHILIPPE HUGUEN / AFP
Lundi 7 novembre débute à Marrakech, au Maroc, la 22e conférence des Nations unies (ONU) sur les changements climatiques, ou COP22. Présidente depuis un an, la France passe le relais au Maroc, qui promet une « COP africaine ».
Qu’est-ce qu’une COP ?
La COP22 est la 22e Conférence des parties (en anglais « Conference of the Parties », COP) à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC, ou UNFCCC en anglais). Cette convention universelle, qui offre un cadre global de négociations sur le climat, reconnaît l’existence d’un changement climatique d’origine humaine et donne aux pays industrialisés le primat de la responsabilité pour lutter contre ce phénomène.
Elle a été adoptée au cours du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, le 9 mai 1992, avant d’entrer en vigueur le 21 mars 1994. Elle a été ratifiée par 196 Etats – auxquels il faut ajouter l’Union européenne (UE) – parties prenantes à la Convention, la Palestine étant le 196e Etat à avoir intégré officiellement la CCNUCC, le 17 mars 2016.
La Conférence des parties, qui constitue l’organe suprême de la convention, se réunit chaque année lors d’un sommet mondial où sont prises des décisions pour respecter les objectifs de lutte contre le changement climatique. Elles ne peuvent être prises qu’à l’unanimité des parties ou par consensus.
Cette 22e conférence climat se tient à Marrakech, au Maroc, du 7 au 18 novembre. Elle se déroulera dans le quartier de Bab Ighli, qui fut pendant des siècles l’entrée principale de la médina, sur un site aménagé autour de cinquante-cinq tentes. Comme pour chaque COP, la partie réservée aux négociations, la « zone bleue », sera placée sous l’autorité de l’ONU. Une « zone verte » rassemblera la société civile, les entreprises et autres acteurs non étatiques.
Quels ont été les temps forts des négociations ?
La 3e Conférence des parties à la convention-cadre de l’ONU sur les changements climatiques (COP3) a permis l’adoption du protocole de Kyoto, le premier traité international juridiquement contraignant visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Signé en 1997 et entré en vigueur en 2005, ce traité ne fixe des objectifs contraignants qu’à seulement 55 pays industrialisés, représentant 55 % des émissions globales de CO2 en 1990.
Le protocole visait alors à réduire d’au moins 5 % leurs émissions de six gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote et trois substituts des chlorofluorocarbures), entre 2008 et 2012, par rapport au niveau de 1990.
Si certains ont respecté leurs engagements (comme l’UE), les gros pollueurs n’ont pas rempli leurs objectifs : les Etats-Unis ne l’ont jamais ratifié, le Canada et la Russie s’en sont retirés et la Chine, devenue le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, n’est pas concernée. Aujourd’hui obsolète, le protocole de Kyoto doit expirer en 2020 et devrait être remplacé par un nouveau texte, qui est l’objet de la COP21.
En 2009, la 15e Conférence des parties, qui se tenait à Copenhague, au Danemark, devait permettre de renégocier un accord international sur le climat. Cette fois, il devait concerner les pays industrialisés comme ceux en développement, pour remplacer le protocole de Kyoto. Mais, après deux ans de négociations, le sommet s’est soldé par un échec : s’il affirme la nécessité de limiter le réchauffement planétaire à 2 °C, le texte de l’accord ne comporte aucun engagement chiffré de réduction des émissions de gaz à effet de serre, se contentant de prôner la « coopération » pour atteindre un pic des émissions « aussi tôt que possible ».
Depuis 2011, les COP, qui se sont tenues à Durban (Afrique du Sud), Doha (Qatar), Varsovie et Lima, ont toutes eu pour objectif de parvenir à un accord universel d’ici à la fin 2015, c’est-à-dire au plus tard durant la COP21, accueillie par la France du 30 novembre au 12 décembre 2015.
En quoi consiste l’accord de Paris scellé à la COP21 ?
Adopté par consensus lors de la dernière séance plénière de la COP21, le 12 décembre 2015 au Bourget, l’accord de Paris est le premier accord climat à portée universelle puisque le protocole de Kyoto de 1997 n’était destiné qu’aux pays industrialisés, considérés alors comme les principaux responsables du réchauffement de la température planétaire.
Le document de 39 pages se compose de deux parties, un accord nécessitant une ratification des Etats membres de la CCNUCC (selon la législation propre à chacun d’entre eux) et les « décisions d’adoption » qui, elles, ne nécessitent pas d’être ratifiées par les 196 Etats.
La finalité de l’accord de Paris est de contenir le réchauffement « bien au-dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels » et de « poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5°C ». Cet objectif, plus ambitieux que la mission initiale des négociateurs (rester sous le seuil des 2°C), correspond à une revendication appuyée pendant la COP21 par l’ensemble des Etats insulaires, parmi les plus vulnérables aux effets du réchauffement.
Mais ce plafond des 1,5°C a une portée essentiellement symbolique. Car les projections de l’ONU indiquent, rapport après rapport, que la courbe actuelle des émissions mondiales de gaz à effet de serre devrait se traduire par un réchauffement de l’ordre de 3° C.
L’accord de Paris est affaibli aussi par l’absence d’objectifs chiffrés à long terme. Le texte invite seulement la communauté internationale à atteindre « un pic des émissions mondiales de gaz à effet de serre dès que possible », puis de parvenir à « un équilibre entre les émissions d’origine anthropique et les absorptions par des puits de carbone au cours de la deuxième moitié du siècle ».
Pour entrer en vigueur, l’accord doit remplir une double condition, stipule le texte du 12 décembre 2015. Il doit être ratifié par au moins 55 pays (sur les 196 Etats membres de la CCNUCC) représentant au moins 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
La cérémonie de signature de l’accord de Paris, le 22 avril 2016 au siège de l’ONU à New York, a donné le top départ de ce processus de ratification. Contre toute attente – en raison notamment du volontarisme d’acteurs majeurs comme les Etats-Unis et la Chine, et des efforts de la présidence française de la COP21 –, le double seuil des 55/55 a été franchi les 4 octobre grâce à la ratification de l’UE. En vertu des règles onusiennes, l’accord de Paris est entré en vigueur un mois plus tard, le 4 novembre 2016.
Quels sont les principaux enjeux de la COP22 ?
« Le gros sujet de la COP22 sera de préciser les règles de mise en œuvre de l’accord de Paris et de se mettre d’accord sur la date de finalisation de ces règles communes », prédit Laurence Tubiana, l’ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique pour la France. L’entrée en vigueur étant effective depuis le 4 novembre, la première réunion des parties à l’accord de Paris (la CMA dans le vocabulaire onusien) sera donc convoquée dès la COP22.
Cette CMA s’ouvrira le 15 novembre, journée lors de laquelle plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement sont attendus à Marrakech, dont François Hollande et le secrétaire d’Etat américain John Kerry. La proposition suivante y sera défendue : puisque la nouvelle organisation se met en place plus vite que prévu, pourquoi ne pas finaliser la discussion sur les règles communes dès 2018, l’année du point d’étape prévu par l’accord climat ?
L’autre enjeu de la COP22 est de faire le point sur les engagements volontaires pris par les pays pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et contrer les effets du réchauffement. Mises bout à bout, ces 189 « contributions nationales » développées à l’horizon 2025-2030 ne permettent pas de contenir le réchauffement sous le seuil de 2°C. La COP22 devrait inviter les Etats à engager des actions additionnelles pour rehausser le niveau de leurs ambitions.
Depuis la COP21, de nombreuses dynamiques ont vu le jour : l’alliance solaire internationale, l’initiative africaine pour les énergies renouvelables, la mission innovation, la coalition pour le prix du carbone, etc. Face à la difficulté de dresser un bilan de ces initiatives, la ministre marocaine de l’environnement, Hakima El Haite, et Laurence Tubiana vont proposer à Marrakech qu’un dispositif de suivi de ces coalitions soit mis sur pied d’ici à mai 2017, autour de critères précis et d’un registre d’enregistrement.
Au Maroc, les délégations devraient évoquer la lancinante question des financements. Les pays en développement gardent notamment en tête la promesse faite à leur égard, en 2009, par les nations industrialisées : mobiliser au moins 100 milliards de dollars (90 milliards d’euros) par an, d’ici à 2020, de financement climat du Nord vers le Sud. Rendue publique le 17 octobre, à la veille de la pré-COP22, une expertise de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime que le financement (public et privé) pourrait atteindre entre 77 et 133 milliards de dollars suivant les scénarios.
Comment la conférence de Marrakech s’organise-t-elle ?
Plus de 20 000 participants sont attendus à Marrakech du 7 au 18 novembre. S’y croiseront les délégations des 196 Etats, la société civile – les entreprises, les ONG, les scientifiques, les collectivités territoriales, les populations autochtones, les syndicats – et les médias du monde entier.
Mais les discussions ont débuté bien plus tôt dans l’année. Les équipes de négociations ont échangé régulièrement depuis l’adoption de l’accord de Paris, en décembre 2015, et se sont retrouvées à Bonn en Allemagne, en juin 2016, pour la session de travail annuelle de la CCNUCC. Depuis le 6 juillet, une nouvelle secrétaire exécutive de la Convention-cadre supervise ces négociations, la diplomate mexicaine Patricia Espinosa, en remplacement de la Costaricienne Christiana Figueres.
La France, qui a assuré la présidence de la COP21 depuis le 30 novembre 2015 – d’abord par Laurent Fabius, puis par Ségolène Royal, depuis mars 2016 – va passer le relais lundi 7 novembre, au pays hôte de la COP22, le Maroc. Le ministre marocain des affaires étrangères et de la coopération, Salaheddine Mezouar, devrait donc succéder, lundi, à la ministre française de l’environnement à la tête de la COP22, jusqu’à la prochaine conférence climat, prévue dans un an en Asie.