On a testé… « Call of Duty : Infinite Warfare », le jeu de guerre spatial à court d’idées
On a testé… « Call of Duty : Infinite Warfare », le jeu de guerre spatial à court d’idées
Par William Audureau
La série phare d’Activision dépoussière sa formule et part dans l’espace. Mais malgré de bonnes intentions, le résultat ne vole pas bien haut.
« Call of Duty : Infinite Warfare ». | Activision
On est là, Cpt_Carnage_38, là. Me lis-tu ? Moi je t’entendais, à m’alpaguer à plusieurs reprises entre deux vagues de zombies affamés et de clowns tueurs explosifs. Mon microphone n’était pas branché : impossible de te répondre. Mais j’étais là, avec toi, à repousser la horde de morts-vivants sortis des murs de Spaceland, ce parc d’attractions nimbé de musique des années 1980, à slalomer entre les bouffeurs de cerveaux, à mitrailler un petit homme vert géant, à bondir en reculant à l’explosion d’un de ces satanés zapatas kamikazes.
Nous ne nous sommes pas vraiment parlé, Cpt_Carnage_38, mais sache-le : cette partie en ligne entre joueurs humains, c’était un chouette moment. Et même l’un des meilleurs que l’on ait passé dans Infinite Warfare, ce jeu sorti le 4 novembre sur PlayStation 4, Xbox One et PC, et qui brille par son grand huit d’émotions, entre le rire et l’ennui.
Official Call of Duty®: Infinite Warfare Reveal Trailer
Durée : 03:25
Resituons un peu la donne. La série « Call of Duty » a d’abord pris les nazis pour ennemis, puis une confuse alliance terroriste russo-arabe, avant de mettre le cap vers l’espace. Cette fois, la campagne principale oppose les gentils de l’UNSA, sorte d’OTAN du système solaire, et le SetDef, un groupe sécessionniste aux méthodes terroristes basé sur Mars. Inutile de chercher à en savoir plus : en dépit d’un scénario épais comme du fil dentaire, la narration confuse et les dialogues désespérément bêtes rendent les enjeux parfaitement inintéressants. Globalement, le QI moyen de la planète Terre baisse d’un demi-point à chaque cinématique.
Qu’importe. Infinite Warfare n’est pas là pour révolutionner la science-fiction mais pour tirer une série vieillissante, les « Call of Duty », loin de leur zone de confort historique, les conflits terrestres. L’espace sert de prétexte pour inaugurer des scènes jusqu’alors inimaginables dans la saga – un décollage spatial, des combats aériens à ras de vaisseau à la « Star Wars », des fusillades entre astronautes en apesanteur, ou encore des assauts sur des installations minières si proches du soleil que le moindre rayon de lumière tue.
Dans ses meilleurs moments, Infinite Warfare donne à vivre des expériences à la fois ludiques et cinématographiques. C’est l’arrivée sur une base lunaire, de sauts sans fin en sauts sans fin. Ce sont les robots tueurs qui s’activent à chaque fois que le jour se lève sur un astéroïde vrillant à toute vitesse en direction du soleil. C’est l’infiltration en apesanteur d’un vaisseau amiral ennemi, agrippé de rochers spatiaux en rochers spatiaux dans la ceinture d’astéroïdes de Pluton. Quelque part entre Gravity, Interstellar et Battlestar Galactica, le jeu du studio Infinityware parvient à évoquer le souffle épique de la science-fiction.
G.I. Joe dans l’espace
Malheureusement, le grotesque n’est jamais loin. D’abord parce que, tout futuriste qu’il soit, Infinite Warfare reste un « Call of Duty », avec sa surcouche obligatoire de militarisme bas du front, de morale mortifère et de patriotisme à l’américaine. En pleines célébrations du 13-Novembre, certains dialogues font littéralement frémir : le jeu s’ouvre et se termine sur un hommage aux morts, la glorification du sacrifice au combat et la bravoure de faire un maximum de dégâts en mourant.
La mise en scène boursouflée confine par ailleurs régulièrement au ridicule d’un film de Roland Emmerich (Independance Day). Les incohérences les plus élémentaires rappellent un trop souvent que le jeu est plus proche de G.I. Joe dans l’espace que d’un Christopher Nolan (Interstellar) interactif. La construction de l’aventure est hasardeuse, avec un rythme déconcertant, et une alternance incohérente entre phases spatiales innovantes, et séquences à l’ancienne mal justifiées et vite oubliables. Sans même évoquer ces libertés pour le moins comiques, comme ces vaisseaux amiraux géants défendus par… des cosmonautes-snipers flottant, bibendum spatiaux vulnérables et absurdes.
Sans doute dira-t-on que la campagne principale n’est plus le principal argument de vente des « COD » depuis longtemps. Le jeu semble en prendre acte : visuellement, il alterne les paysages solaires somptueux, notamment sur Saturne et Mars, et les reconstitutions grisâtres et rectangulaires paresseuses, comme dans la plupart des intérieurs. Le comportement des ennemis confine, quant à lui, au grotesque. L’unique difficulté consiste à repérer les parcmètres statiques et empotés qui servent d’opposants plutôt qu’à se jouer d’eux.
De ce point de vue, Infinite Warfare est sans surprise à des années-lumière des champs de bataille vivants et imprévisibles de Halo, ou même des assauts coordonnés et tactiques de Gears of War. Plus inattendu, faute de phases de fusillade à grande échelle, il ne conserve même pas le sentiment d’assaut massif et à corps perdu des précédents opus. Bref, contrairement à ce que son nom suggère, ce « COD » tient du complément circonstanciel : on peut s’en passer.
Un jeu 4-en-1
Reste donc le reste. L’essentiel, diront certains. La réédition remastérisée de Modern Warfare, minimaliste et vieillie, mais chargée de nostalgie, pour ceux qui ont opté pour l’édition à 60 euros. Le mode multijoueur en ligne, qui a tant porté la série ces dernières années. Elagué des lourdeurs de la campagne, il s’apparente à des joutes vives, bondissantes et colorées, dans des arènes inhabituellement petites. L’influence de l’e-sport et du visionnage de parties en direct est passée par là : chaque match en ligne se veut un concentré non-stop de fusillades éclairs, loin des champs de bataille plus étendus des années précédentes. Mais gare ! Le niveau est relevé car, à l’heure de l’e-sport, les joueurs ne sont plus là pour rigoler.
Enfin, il y a le mode « zombies », ce bonus de World at War (2008) devenu au fil du temps l’une des principales raisons de continuer à jouer à Call of Duty. Ici, ni scénario grandiloquent ni culte de la compétition, mais de la survie en équipe, dans une ambiance volontiers kitch. Une soupape de décompression bienvenue dans un jeu aux routines vieillissantes et au premier degré accablant, mais auquel on s’adonne volontiers, de guerre lasse. Cpt_Carnage_38, m’entends-tu ? Je me reconnecte aux serveurs, en s’organisant bien, on doit pouvoir passer la quinzième vague cette fois. Cpt_Carnage_38, je t’attends. M’entends-tu ?
En bref
On a aimé
- Les combats spatiaux très Star Wars
- Les paysages fous sur certaines planètes
- Quelques moments d’apesanteur originaux
- Un souffle épique inhabituel
- Tout le mode « zombies », drôle et efficace
On n’a pas aimé
- Perdre 1 point de QI à chaque dialogue
- Le héros le plus inutile du monde
- Un jeu visuellement dépassé par la concurrence
- Toujours les mêmes routines de jeu
- Le comportement aberrant des ennemis
- La construction bizarroïde de l’histoire
- Le culte de l’esprit kamikaze, aux résonances sordides
C’est plutôt pour vous si…
- Seule la compétition en ligne vous intéresse
- Vous considérez Roland Emmerich comme le Victor Hugo moderne
- Vous ne savez pas quoi faire de tous ces neurones fonctionnels en trop
- Vous achetez « Call of » comme on supporte l’OM : à vie, sans savoir pourquoi
Ce n’est pas pour vous si…
- Vous cherchez le meilleur jeu de 2016
- Ou tout simplement un jeu aux standards de 2016.
La note de Pixels :
Quatre planètes et demie sur huit