L’élection de Donald Trump serait un séisme pour le monde
L’élection de Donald Trump serait un séisme pour le monde
Par Sylvie Kauffmann
Le candidat républicain a fondé sa campagne sur la promesse de « rendre sa grandeur à l’Amérique ». Le pays « est en ruines », dit M. Trump, il faut commencer par le reconstruire. Pour le reste du monde, cela donne un signal de repli et d’isolationnisme.
Si le vote pour le Brexit, le 23 juin, a été un séisme pour l’Union européenne, l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis, première puissance militaire, sera un séisme pour le monde.
Le candidat républicain a fondé sa campagne sur la promesse de « rendre sa grandeur à l’Amérique ». Cette grandeur, cependant, ne s’entend pas par la projection de la puissance américaine à l’extérieur, mais plutôt sur une priorité donnée au retour du bien-être et de la prospérité des Américains chez eux. Le pays « est en ruines », dit M. Trump, il faut commencer par le reconstruire. Pour le reste du monde, cela donne un signal de repli et d’isolationnisme.
On sait, en réalité, assez peu de choses sur le programme concret de Donald Trump en politique étrangère car ses conseillers dans ce domaine sont peu connus ; l’establishment washingtonien et le petit monde des think tanks spécialisés dans les relations internationales, qui conseillent habituellement les candidats en politique étrangère, se sont tenus à distance de lui et de ses vues peu orthodoxes. Mais M. Trump a régulièrement émis quelques idées maîtresses qui donnent un canevas de ce que pourra être sa diplomatie.
Vis-à-vis de l’Europe, Donald Trump, qui a soutenu le vote en faveur du Brexit en critiquant l’Union européenne, considère qu’il appartient aux Européens de se prendre en charge et surtout de financer leur défense, plutôt que de s’abriter sous le parapluie américain. Ainsi l’OTAN ne peut fonctionner, et les États-Unis venir au secours d’un allié dans l’éventualité d’une attaque, que si les États européens augmentent leurs budgets de défense.
Donald Trump veut mettre fin à l’interventionnisme américain à l’étranger et au cycle d’opérations militaires lancé par l’administration George W. Bush. Le président Obama lui-même avait promis le retrait de ces troupes, mais la réalité du Moyen-Orient l’a contraint à maintenir ou à lancer un certain nombre d’opérations. M. Trump se veut beaucoup plus radical : pour la coalition internationale (dont la France) actuellement engagée aux côtés des États-Unis, en particulier sur le théâtre irakien et syrien, c’est une nouvelle donne.
Un grand point d’interrogation concerne les relations avec la Russie, qui se sont gravement détériorées depuis un an. Donald Trump a, à plusieurs reprises, chanté les louanges de Vladimir Poutine, qu’il considère comme « un meilleur leader que Barack Obama », et les services de renseignement américains ont accusé la Russie d’être derrière le piratage des comptes e-mail qui ont embarrassé le camp de Hillary Clinton pendant la campagne. Mais les deux hommes ne se connaissent pas personnellement, et le président russe s’est abstenu de souhaiter publiquement la victoire du candidat républicain. La fascination de M. Trump pour l’homme fort de Russie et ses méthodes autoritaires ira-t-elle jusqu’à accepter certaines de ses visées sur le voisinage de la Russie et le Moyen-Orient, voire l’idée d’un deuxième Yalta auquel aspirerait M. Poutine ? À ce stade, rien ne permet de le dire car le candidat républicain est resté très évasif sur ces questions.
L’un des grands axes de la campagne de Donald Trump portait sur le rejet de la mondialisation et des accords de commerce international, accusés d’avoir détruit l’emploi aux États-Unis. L’une des grandes bénéficiaires de cette mondialisation, la Chine, est donc dans son viseur. Il ne s’est pas prononcé sur les tensions en mer de Chine méridionale.
Autre conséquence d’une victoire Trump : elle confortera les mouvements et leaders populistes du monde entier, de l’Europe à l’Asie. Cela aura forcément un impact sur les relations internationales.
Enfin, les institutions américaines accordent plus de latitude au président en politique étrangère qu’en politique intérieure, où les « checks and balances » servent de garde-fous. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour le reste du monde. Mais on peut aussi imaginer que le réalisme amènera un président Trump à tempérer certaines de ses vues, et que les élites républicaines de politique étrangère, malgré leurs réticences, le rejoindront une fois au pouvoir.