Donald Trump (à droite), alors candidat à la présidentielle américaine, lors d’une conférence de presse conjointe avec le président mexicain, Enrique Peña Nieto, le 31 août 2016 à Mexico. | YURI CORTEZ / AFP

« Je suis très optimiste », a proclamé, vendredi 11 novembre, le président mexicain, Enrique Peña Nieto, qui appelle de ses vœux « une nouvelle relation » avec les Etats-Unis. Pourtant la victoire électorale de Donald Trump représente le pire scénario pour les Mexicains, cibles privilégiées du candidat républicain durant sa campagne. Cette main tendue au nouveau président américain vise à déjouer la menace qui plane sur l’économie du Mexique et ses millions de ressortissants clandestins aux Etats-Unis.

Deux jours plus tôt, M. Peña Nieto avait félicité par téléphone M. Trump, avant de déclarer que les deux pays sont « alliés, partenaires et voisins ». Une rencontre entre les deux hommes est prévue avant l’investiture, le 20 janvier 2017, du président élu américain.

Pourtant, le 31 août, la venue à Mexico du candidat républicain, invité par M. Peña Nieto, avait tourné au fiasco, provoquant la plus grave crise du mandat du président mexicain (2012-2018). A peine rentré aux Etats-Unis, M. Trump avait confirmé sa volonté de faire payer à son voisin du Sud la construction d’un mur le long de la frontière entre les deux pays, sous peine de bloquer les envois de fonds de ses immigrés. Une humiliation pour les Mexicains que M. Trump a qualifiés de « violeurs » et de « criminels », annonçant des expulsions massives de sans-papiers.

Forte baisse du cours du peso

« Un dialogue constructif entre les Etats-Unis et le Mexique (…) permettra la prospérité de nos deux sociétés », a affirmé, vendredi, M. Peña Nieto, devant des patrons inquiets. La veille, le président avait assuré que sa « priorité restait de protéger les Mexicains ». Dans la foulée, la ministre des affaires étrangères, Claudia Ruiz Massieu, a précisé que le gouvernement était disposé à « moderniser » l’accord de libre-échange entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique (Alena), en vigueur depuis 1994. Un ton conciliant proche de celui adopté par Justin Trudeau, le premier ministre canadien. Mais pas question de renégocier l’Alena comme annoncé par M. Trump, qui l’accuse d’être responsable des pertes d’emplois aux Etats-Unis.

Avec 80 % de ses exportations destinées à son voisin du Nord, le Mexique serait le pays le plus affecté par le protectionnisme de M. Trump. Le cours de la monnaie mexicaine a déjà chuté de plus 15 % depuis sa victoire le 8 novembre, passant la barre fatidique des 20 pesos pour un dollar. Jeudi, la Bourse du Mexique a aussi connu sa plus forte contraction (– 4,57 %) en cinq ans. Face à un possible coup de frein des investissements étrangers, la Banque mondiale a annoncé une prochaine révision à la baisse des prévisions de croissance du Mexique en 2017, évaluée, en juin, à 2,5 %.

« La solide relation bilatérale entre le Mexique et les Etats-Unis ne se termine, ni ne commence, avec une élection », a rassuré Mme Ruiz Massieu. Jeudi, la ministre des affaires étrangères a néanmoins précisé que les consulats mexicains aux Etats-Unis sont mobilisés pour défendre les droits de leurs 12 millions de ressortissants présents sur le sol américain, dont plus de la moitié sont clandestins. « La stratégie du Mexique vise à convaincre M. Trump et son équipe que les deux pays auraient beaucoup à perdre à jouer la carte de la confrontation », confie une source proche du gouvernement. Les échanges entre Mexique et Etats-Unis ont représenté 531 milliards de dollars (489 milliards d’euros) en 2015 et six millions d’emplois des deux côtés de la frontière.

Scepticisme

Mais cette stratégie suscite la polémique. Si l’ex-président Vicente Fox (2000-2006) a déclaré, sur son compte Twitter, que M. Peña Nieto avait été « visionnaire » en invitant M. Trump, en août, d’autres ne partagent pas cet avis. « L’humiliation de cette visite a accentué la position de faiblesse du Mexique face à son puissant voisin, déplore le politologue Virgilio Bravo. C’est naïf de la part de M. Peña Nieto de penser qu’il parviendra à faire changer d’avis M. Trump, qui dispose d’une majorité au Congrès, alors que plus de la moitié des Américains partagent ses idées xénophobes et protectionnistes. »

Même scepticisme du côté des partis d’opposition. « Le gouvernement minimise l’impact de l’élection de Trump, alors qu’elle représente un coup de massue pour notre pays », a dénoncé Javier Lozano, sénateur du Parti action nationale (PAN, droite). Et Alejandra Barrales, présidente du Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche), d’ajouter : « Il faut d’urgence revoir notre modèle économique pour moins dépendre des Etats-Unis et renforcer notre marché intérieur. »

Pas facile pour autant dans un pays où près de la moitié de la population est pauvre et dépendante des envois de fonds des émigrés (20 milliards, de janvier à septembre). Si M. Peña Nieto ne parvient pas à convaincre M. Trump, les Mexicains les plus défavorisés seront les premières victimes du programme du nouveau président américain. La semaine prochaine débuteront les réunions préparatoires de la rencontre décisive entre les deux hommes.