Un employé de la délégation américaine, le 10 novembre à Marrakech. | ARTHUR GAUTHIER/HANS LUCAS POUR LE MONDE

Les entreprises américaines s’inquiètent des velléités de Donald Trump de sortir de l’accord de Paris sur le climat. Dans une adresse rendue publique, mercredi 16 novembre à la COP22 à Marrakech, plus de 360 sociétés, investisseurs et hommes d’affaires ont demandé au président élu et à Barak Obama, toujours en poste, de réaffirmer leur engagement dans le premier accord universel pour lutter contre le changement climatique, adopté lors de la COP21, le 12 décembre 2015. « Nous appelons nos élus américains à soutenir avec force la poursuite des politiques [de réduction des émissions de gaz à effet de serre] pour permettre aux Etats-Unis de remplir ou dépasser ses engagements », écrivent-ils.

Représentant de grandes sociétés – plus d’une soixantaine dépasse les 100 millions de dollars de chiffre d’affaires (Unilever, Nike, DuPont, Schneider Electric, Intel Corporation, eBay, L’Oréal, Virgin…) – comme de plus petites entreprises, implantées dans trente-cinq Etats, ils alertent sur le danger que ferait courir à « la prospérité américaine » le fait de renoncer à « mettre en place une économie bas carbone ». « Nous nous engageons à faire notre part, pour remplir l’objectif de Paris d’une économie mondiale limitant le réchauffement bien en deçà de 2 °C », disent-ils encore.

« Nous avons besoin de la mobilisation des entreprises et des Etats, c’est le meilleur moyen de préserver notre activité, nos affaires », a expliqué Kevin Rabinovitch, directeur du développement durable du groupe agroalimentaire Mars Inc, lors de la présentation de l’appel à Marrakech.

« Assurer le futur de la planète »

Nombre des entreprises signataires de cette lettre s’étaient déjà retrouvées lors de la COP21 à Paris pour appeler à la conclusion d’un accord. « Elles ont ensuite expliqué que cet accord était la meilleure chose au monde pour limiter les effets du changement climatique, puis se sont à nouveau rassemblées face à la menace sur la prospérité américaine, au lendemain de l’élection de Donald Trump », a rappelé Sue Reid, vice-présidente de la Coalition for Environmentally Responsible Economies (Ceres), un réseau américain d’investisseurs et d’ONG qui travaillent sur le développement durable.

Ces sociétés ont, pour certaines, investi dans des stratégies énergétiques bas carbone, et ne voudraient pas voir leur pays se désengager. « Une entreprise n’aime pas ce qui est imprévisible, incertain… et il est nécessaire de prendre soin du climat pour assurer le futur de la planète », plaide aussi Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric.

Ce dernier espère que les engagements américains seront respectés, que la mobilisation ne faiblira pas. « La nouvelle administration devra tenir compte de cette mobilisation des entreprises, de nombreux Etats comme la Californie, de villes qui ont adhéré au réseau international [créé en 2005 par le maire de Londres de l’époque, Ken Livingstone et présidé par l’actuelle maire de Paris, Anne Hidalgo]. Il existe aussi un marché carbone très important entre le Canada et les Etats-Unis qui ne va pas s’arrêter comme ça », détaille Gilles Vermot Desroches.

Pas de pétrolier

Le Fonds mondial pour la nature (WWF) a insisté sur l’importance de cette initiative, lors de la présentation de cette lettre ouverte. « Nous avons besoin des voix du secteur privé pour faire en sorte que les objectifs de l’accord de Paris soient atteints. Si elles ne sont pas directement dans le secteur énergétique, toutes ces entreprises en sont de grandes consommatrices et leurs voix comptent énormément », explique Mariana Panuncio-Feldman, directrice internationale du WWF.

De fait, aucun groupe du secteur pétrolier n’apparaît dans la longue liste d’entreprises signataires, mais les représentants de cet appel soulignent qu’Exxon, l’important groupe pétrolier et gazier américain, avait, au lendemain de l’élection de Donald Trump, déclaré son attachement à l’accord de Paris et à sa mise en œuvre.