Fin de vie : la petite Marwa doit continuer à recevoir des soins
Fin de vie : la petite Marwa doit continuer à recevoir des soins
Par Luc Leroux (Marseille, correspondant)
Avant d’entériner ou non la décision des médecins, la justice attend une expertise.
« Nous sommes soulagés, merci à la justice », souffle Mohamed Bouchenafa dans le box qui jouxte la chambre de réanimation de l’hôpital d’enfants de la Timone à Marseille où Marwa, son bébé âgé d’un an, est plongée dans le coma, sous respiration artificielle depuis le 25 septembre. Le tribunal administratif a suspendu, mercredi 15 novembre, la décision des médecins de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), prise à l’issue d’un comité d’éthique tenu dix jours plus tôt, de débrancher l’appareil respiratoire qui maintient l’enfant en vie. Opposés à cette décision, les parents avaient saisi le juge des référés. Selon les médecins, l’enfant ne pourra jamais marcher, manger et même respirer de façon autonome, mais pour ses parents, « toutes les chances n’ont pas été données à Marwa ». « Les médecins disent que ça ne sert à rien, qu’il faut la laisser partir, ils parlent d’acharnement thérapeutique mais quand je lui dis “Marwa ma fille”, elle commence à bouger. On demande juste qu’on lui donne le temps de montrer qu’elle tient à vivre », témoigne, désespéré, son père, un chauffeur de VTC de Nice âgé de 33 ans, présent en permanence au chevet de sa fille. Son épouse fait les allers-retours depuis Nice où elle s’occupe de Safa, la sœur jumelle de Marwa, et de ses trois autres enfants.
Le bébé souffre de sévères atteintes neurologiques après avoir contracté un entérovirus foudroyant et très rare. Les médecins de l’hôpital Lenval à Nice avaient organisé son transfert héliporté, le 25 septembre, vers Marseille, ce qui avait nécessité de la placer dans un coma artificiel. Elle n’en est pas ressortie.
Une pétition sur Internet
S’estimant insuffisamment informés par l’AP-HM, les juges ordonnent une expertise confiée à deux neurologues et un neuropédiatre appelés à « décrire l’état clinique de l’enfant et à se prononcer sur le caractère irréversible des lésions neurologiques, sur le pronostic clinique et sur l’intérêt ou non de continuer ou de mettre en œuvre des thérapeutiques actives ». C’est sur la base de leurs conclusions que les juges entérineront ou non la décision des médecins, d’ici deux mois environ. Le jugement pointe « les indications divergentes » figurant au dossier médical et « les incertitudes qui demeurent sur l’état de santé » de l’enfant.
En attendant, le tribunal a enjoint à l’AP-HM de délivrer des « soins appropriés ». Les parents redoutaient le choix de ne pas traiter l’enfant même en cas d’infection bénigne. « Donner des antibiotiques si elle attrape une bactérie, ce n’est pas de l’acharnement thérapeutique », explique Mohamed Bouchenafa.
Sur son téléphone portable, Kamel Bouyaiche, son oncle venu de Cherchell (Algérie) pour le soutenir, montre des « témoignages de parents auxquels on avait dit : “Votre enfant ne marchera plus jamais.” Et le destin a voulu qu’il en soit autrement ». La famille assure ne pas vouloir « attaquer l’hôpital » – « les médecins, les kinés, les aides-soignantes sont aux petits soins avec Marwa » – mais juge trop rapide cette décision. « Il y a une lueur d’espoir, on s’y accroche. » Une pétition intitulée « Jamais sans Marwa » circule sur Internet montrant le bébé intubé auquel son père parle tendrement.
L’AP-HM soutient n’avoir « jamais arrêté de date » pour mettre un terme à la respiration assistée. Selon les parents, il leur aurait été dit que l’équipe médicale laisserait passer le 10 novembre, jour du premier anniversaire de Marwa, puis débrancherait l’appareil respiratoire le 15 novembre. Selon l’AP-HM, l’hôpital s’est « conformé aux règles éthiques et juridiques adaptées à ce type de situation en assurant une information et un accompagnement permanent de la famille ».