Le minaret de la mosquée de la Koutoubia, à Marrakech où se tient à la COP22, grand consommateur d'électricité. | Photo : R.Bx.

A la couleur verte de l’islam, les mosquées marocaines veulent ajouter le vert de l’écologie. La transition énergétique dont se targue le Maroc, qui accueille, à Marrakech, la conférence sur le climat, la COP22, doit aussi passer par la religion. Un programme « Mosquées vertes » basé sur l’efficacité énergétique ambitionne de réduire les consommations d’énergie des lieux de culte. « La facture énergétique, dans les mosquées, est de 140 millions de dirhams [14 millions d’euros] par an, dont 40 reviennent au gouvernement. Nous voulons réduire de 40 % leur consommation d’énergie », explique Samira Lakhlifi, de l’Agence marocaine de l’efficacité énergétique (Amée).

Un premier appel d’offres a été lancé, en août 2016, concernant trente-six mosquées sur la centaine concernée par ce programme, à Marrakech, Casablanca et Agadir. Le Maroc compte environ 51 000 mosquées, des plus prestigieuses aux plus modestes ; ce sont les plus grandes qui sont d’abord visées par le programme.

A Marrakech, la plus célèbre d’entre elles, la Koutoubia, chef-d’œuvre du XIIe siècle avec son minaret haut de 69 mètres, offre aux regards ses splendides ornements de stuc et de céramique, sa couleur ocre, terre-de-sienne. Elle présente aussi, au pied de l’un de ses hauts murs, sur un panneau électrique, les émissions de CO2 évitées, l’énergie produite cumulée et la puissance photovoltaïque actuelle. Si les résultats sont modestes, « les premiers bilans sur la Koutoubia permettent déjà de constater une baisse de consommation de 40 à 50 % », explique Samira Lakhlifi.

La mosquée de la Koutoubia, à Marrakech, est engagé dans le programme du gouvernement marocain "Mosquées vertes". | Photo : R.Bx.

Pour atteindre les objectifs de baisse de la consommation, trois secteurs sont visés. « Nous changeons les ampoules pour des LED, plus performantes, nous installons des chauffe-eau solaires pour l’eau nécessaire aux ablutions, et des panneaux photovoltaïques pour assurer l’autoproduction », détaille Amine Homman-Ludiye, directeur Afrique du Nord d’Engie, la société qui a remporté les appels d’offres, en septembre.

Dans sa présentation des outils proposés, Engie fait état de 33 850 points lumineux à remplacer – l’éclairage représentant quelque 60 % de la consommation d’électricité –, évoquant aussi les horloges pour programmer la climatisation et le chauffage, ainsi que des « horloges pour optimiser les systèmes d’éclairage en fonction des horaires de prières et des activités de la mosquée ». Le groupe français s’est engagé sur l’objectif de réduction de 40 % de la consommation, ainsi que sur la maintenance et la performance pendant cinq ans des installations. Montant total du marché pour les cent mosquées : 600 000 euros.

Former les imams

L’installation de panneaux solaires sur les mosquées ou le changement des ampoules est loin d’être la seule ambition du gouvernement marocain concernant sa transition énergétique. Le pays annonce un objectif de 52 % d’électricité renouvelable à l’horizon 2030 et veut économiser 15 % de l’énergie consommée. Dans cette course contre la montre – la consommation électrique double tous les dix ans – la religion peut s’avérer un vecteur de sensibilisation. « Nous avons un programme qui vise à former les imams afin qu’ils sensibilisent aux questions climatiques et environnementales les fidèles », raconte Jihane Boucherit, du ministère des habous et des affaires islamiques, à l’origine du programme d’efficacité énergétique dans les mosquées avec le ministère de l’énergie, des mines, de l’eau et de l’environnement, de l’Amée et de la Société d’investissements énergétiques.

Dans une brochure, publiée en novembre, le ministère des habous et des affaires islamiques, associé à l’Amée, explique que ces valeurs environnementales « s’expriment autant dans les enseignements coraniques que dans la tradition et les hadiths du prophète, à travers divers concepts supposés servir de référentiel de base pour les comportements du musulman ». Il liste ainsi de nombreux versets coraniques où sont présentes les notions de préservation de la nature, de respect de la vie sur terre, voire de consommation. Quant à l’efficacité énergétique promue dans les mosquées, le ministère des affaires religieuses ponctue : « Car les gaspilleurs sont les frères des diables ; et le Diable est très ingrat envers son Seigneur » (Al Isra, 27).