Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, François Fillon et Bruno Le Maire avant le troisième débat télévisé entre les candidats à la primaire de la droite, sur France 2, à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine),  jeudi 17 novembre. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH POLITICS POUR LE MONDE

Editorial du « Monde ». Il en avait été de même pour la gauche en 2011. Le premier tour de la primaire de la droite de dimanche 20 novembre a des airs de présidentielle avancée : le vainqueur a de bonnes chances d’être élu président en mai 2017. A l’issue d’une campagne qui s’est déroulée correctement, en tout cas plus que celle du Brexit au Royaume-Uni et plus que l’élection américaine, trois candidats émergent, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy et François Fillon – qui fait une remontée dans l’opinion.

S’ils sont de la même famille, tous issus du RPR, ces trois vétérans incarnent des droites sensiblement différentes. Alain Juppé est l’homme des « trente glorieuses », âge d’or de la Ve République. L’ancien premier ministre de Jacques Chirac vante « l’identité heureuse » et promeut une France laïque et apaisée, capable d’intégrer la communauté musulmane et de tenir sa place dans la mondialisation. Au fil des ans, il a fini par ressembler à un chrétien-démocrate allemand.

L’ancien président Sarkozy est le représentant d’une droite qu’on pourrait appeler « sudiste » : bonapartiste, probusiness, identitaire, critique de l’immigration et de l’islam, capable d’outrances électoralistes pour rallier les électeurs passés au Front national. Enfin, François Fillon incarne la droite conservatrice de province. Antiaméricain, prorusse, défenseur des chrétiens d’Orient, l’ex-premier ministre surfe sur le catholicisme politique qui semble se constituer en France depuis la contestation du mariage pour tous et propose un programme économique radical.

Si c’est sur l’identité et le vivre-ensemble que les candidats s’opposent le plus, au point de créer des droites irréconciliables, leurs programmes économiques divergent aussi, et plus qu’il n’y paraît. François Fillon a donné le la, présentant un programme de réformes néolibérales digne des années 1980. Tous l’ont suivi, mais à des degrés divers : la France doit accomplir les réformes que ses partenaires ont déjà faites, réduire le coût de l’Etat-providence dans un pays qui détient le record des dépenses publiques (57 % du PIB).

Vents contraires

En réalité, dans un monde complexe, les trois candidats ont des recettes différentes. Fillon prône effectivement une révolution néolibérale et veut équilibrer les finances d’un Etat qu’il disait, dès 2007, en faillite. Juppé est partisan d’une réforme ferme mais moins brutale, tandis que Nicolas Sarkozy insiste sur la baisse des impôts pour relancer l’économie, plus que sur l’assainissement des finances publiques. Dans le classement des héritages, on pourrait dire que Fillon est thatchérien (retrait de l’Etat) et Sarkozy plutôt reaganien (envolée des déficits).

En 2017, le président élu affrontera des vents contraires : il se trouvera dans une période de relance budgétaire mondiale – l’arme monétaire fonctionne moins et Trump entend lancer un plan d’investissements majeur – propice à lâcher la bride. Mais il faudra rassurer Berlin, qui n’acceptera pas l’intégration nécessaire au sauvetage de l’euro si Paris n’assainit pas ses finances publiques.

L’objectif proclamé des candidats est de redresser la France économiquement pour qu’elle puisse se réaffirmer en Europe face à l’Allemagne et relancer le destin européen. En période de Brexit et d’isolationnisme américain, une tentation protectionniste et un cavalier seul néogaulliste, parfois esquissés à demi-mot dans les débats de la primaire, seraient voués à l’échec.