Ces diplômés des grandes écoles de commerce qui ont changé de voie
Ces diplômés des grandes écoles de commerce qui ont changé de voie
Par Joséphine Lebard
Après avoir réussi à décrocher des diplômes prestigieux de grandes écoles de commerce, ils ont bifurqué vers l’enseignement, le chant lyrique, la danse ou l’exploitation viticole. Pour autant, tous ne renient pas leur parcours.
Morgane Billet (à g.), diplômée de l’ESC Toulouse, est aujourd’hui... chanteuse lyrique. Ici dans le rôle de Lazuli, auprès de Pauline Lazayres (Laoula), dans « L’étoile » de Chabrier, mis en scène par Yves Coudray. | B. de Larragoïti
Leurs cursus au sein d’écoles de commerce les destinaient à se consacrer au secteur du marketing ou de l’analyse financière, à évoluer au cœur de multinationales. Il n’en est rien. Aujourd’hui, Morgane Billet, ancienne de l’ESC Toulouse, est chanteuse lyrique. Sa comparse de promo, Aurélie Chabanon, a choisi l’enseignement. Diplômée de l’Ecole des hautes études commerciales du Nord(Edhec Business School), Laure Colombo œuvre dans les vignes du domaine familial. Sortie de l’Ecole des hautes études commerciales de Paris (HEC), Pauline Chrystal est aujourd’hui pâtissière à Sydney, en Australie.
Passée elle aussi entre les murs de l’école de Jouy-en-Josas, Caroline Brethenoux installe à New York son activité de professeure de « gyrokinesis » (une méthode d’assouplissement musculaire et de renforcement neuromusculaire), tout en travaillant comme danseuse et chorégraphe. Quant à Damien Dreyfous-Ducas, il est ferronnier dans le sud de la France. Pour leurs études en école de commerce, eux – ou leurs parents – ont déboursé des sommes conséquentes alors que leurs professions actuelles nécessitaient des formations bien moins onéreuses. A posteriori, le jeu en valait-il vraiment la chandelle ?
Sans regrets
A les écouter, les regrets n’ont pas lieu d’être. A l’heure du choix de l’orientation postbac, l’école de commerce semble la meilleure option. Laure, qui a grandi en Ardèche, se souvient avoir éprouvé « une crise de campagne » : « J’avais besoin de voir la ville et le béton, dit-elle dans un sourire. Je cherchais une formation généraliste et voulais voyager. » Aurélie, bachelière à 17 ans, nourrissait déjà l’ambition d’être professeure des écoles. « Mais j’étais encore très immature, justifie-t-elle, je sentais que la fac, ce n’était pas trop pour moi. »
La pression parentale – consciente ou non – joue aussi un rôle. Dans son enfance, Pauline a toujours vu ses parents, venus du Cambodge, travailler très dur. « Cela me semblait normal de faire de mon mieux et de viser le top », raconte-t-elle. Le père de Caroline avait lui-même fait une école de commerce. Pour sa fille, entrer à HEC, le saint des saints, « c’est la revanche d’une génération ». Quant à Morgane, si elle estime qu’elle aurait pu se tourner plus tôt vers des études artistiques et que son passage en école de commerce « est un peu cher payé par rapport à [s]on parcours », elle refuse l’autoapitoiement : « J’en ai tiré de bonnes choses que j’utilise encore aujourd’hui. »
Tous le reconnaissent : s’ils ont changé de voie, ils ont emmené des bagages, remplis au cours de leurs études supérieures. Comme enseignante, Aurélie admet aujourd’hui « ne pas avoir peur des chiffres ». Elle valorise ses compétences quand il s’agit de monter un dossier de subvention dans le cadre d’un projet scolaire. « Pour organiser une classe de découverte, il faut mettre sur pied un budget. Les notions de comptabilité ne sont pas inutiles », rappelle-t-elle. Même chose pour Morgane, qui, dans l’art lyrique, « utilise ce qu’[elle] a appris pour élaborer des documents de communication ».
Sens critique
Une fois installée comme pâtissière, Pauline s’est rappelée ses cours à HEC : « Nous avions un prof obsédé par la question du “positionnement de la marque”. Je me suis souvenu de lui quand j’ai créé ma structure. Ici, à Sydney, le “sans gluten” a la cote. J’ai choisi de ne pas me lancer dans ce secteur. Mon identité, ce sont des gâteaux à la française, avec du beurre, de la crème… »
Dans son entreprise de ferronnerie, Damien a pris en charge la dimension commerciale : « C’est moi qui rappelle à mon frère qu’il ne doit pas laisser son portable éteint pendant quatre jours », dit-il, amusé. L’école de gestion lui a aussi apporté une certaine prise de hauteur sur les chantiers qu’il mène. « Je suis ouvert à la discussion car j’ai pris l’habitude de travailler en mode projet. » A la tête du domaine viticole familial, Laure reconnaît avoir acquis la même souplesse : « J’ai aiguisé mon sens critique. »
La souplesse, si Caroline la sollicite dans son activité de danseuse, elle apprécie aussi celle que lui a apportée son passage à HEC. Même si elle ne garde pas un souvenir ébloui de sa scolarité : « Un désenchantement, cela ne m’intéressait pas. » Elle reconnaît néanmoins que l’école lui permet d’assurer avec « sérénité » la transition vers sa nouvelle carrière. « Je suis à mi-temps dans une agence de publicité et je consacre le reste à la danse. Je n’ai pas à travailler comme serveuse pour assouvir ma passion… »
Autre point fort des écoles de commerce : le réseau. « Le milieu associatif compte beaucoup », note Aurélie. Laure a même réussi à le valoriser dans son activité de vigneronne. Si, pour son vin, elle a pu approcher l’enseigne Monoprix, son passage à l’Edhec a donné un petit coup de pouce : « Les acheteurs sont des anciens de l’école », se réjouit-elle…
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