JP Morgan et les enfants du Parti communiste chinois
JP Morgan et les enfants du Parti communiste chinois
LE MONDE ECONOMIE
La banque d’affaires a embauché près d’une centaine d’héritiers du régime entre 2006 et 2013 afin de décrocher de juteux contrats en contrepartie.
Au siège de JP Morgan à Pékin. | Jason Lee / Reuters
En signant un compromis, annoncé jeudi 17 novembre, avec la justice américaine, JP Morgan a reconnu l’existence d’un programme d’embauche d’enfants d’officiels chinois dans le seul but de se voir attribuer les juteuses introductions en Bourse du plus important des pays émergents. La banque d’affaires versera 264 millions de dollars (249 millions d’euros) d’amendes, réparties entre le département de la justice, la Réserve fédérale et la commission de régulation boursière, pour avoir enfreint la loi contre la corruption. Le projet, baptisé « Fils et filles de », avait conduit à l’embauche de près d’une centaine d’héritiers du régime entre 2006 et 2013.
Le New York Times avait révélé en 2013 comment la banque avait eu recours pour 75 000 dollars par mois aux conseils d’une dénommée Lily Chang. De son vrai nom Wen Ruchun, elle n’était autre que la fille de Wen Jiabao, premier ministre de la République populaire de Chine de 2003 à 2013.
Chargée des photocopies
La flopée de courriers électroniques obtenus depuis par les enquêteurs américains révèle tant l’incompétence des jeunes embauchés que la conscience qu’avait la banque du caractère illicite de cette pratique. Dans un e-mail du 31 mars 2006, l’un de ses directeurs Asie-Pacifique prévenait pourtant qu’il était impossible d’embaucher les proches de clients potentiels : « En fait, la politique de l’entreprise l’interdit expressément. Il n’y a pas d’exception. » Qu’importe, c’est à cette même période que les embauches commencent.
En 2009, un cadre chargé de sa supervision évoquait dans une présentation un programme « conçu pour embaucher des employés recommandés par des clients clés qui ne rentreraient pas dans les standards de recrutement normaux ».
Ces employés aux fonctions très limitées touchaient les mêmes salaires que des financiers compétents, sans les responsabilités et la charge de travail. En juillet 2011, un responsable de la banque reconnaissait volontiers qu’une fille d’officiel chinois ne se chargeait que des photocopies. Dans un autre cas, malgré « l’indéniable contre-performance » d’un héritier chinois, un cadre constatait que, du fait de l’importance du contrat potentiel, « nous serions fous de ne pas accommoder les souhaits de son père ».