François Fillon serre la main de Vladimir Poutine  lors d’une réunion du Club Valdaï, en septembre 2013. | MICHAEL KLIMENTYEV / AFP

Peu connu du grand public en Russie, François Fillon est néanmoins un familier du pouvoir russe. Aussi, Alexeï Pouchkov n’a-t-il pas tardé à réagir. Dans une série de messages enthousiastes publiés lundi 21 novembre sur son compte Twitter, ce sénateur parfaitement francophone, ex-député et président de la Commission des affaires étrangères de la Douma, la chambre basse du parlement russe, a qualifié « d’événement sensationnel » l’arrivée de François Fillon, la veille au soir, en tête du vote du premier tour de la primaire à droite pour l’élection présidentielle en France.

« Les républicains atlantistes comme Juppé sont presque vaincus, s’est réjoui M. Pouchkov. Le plus important n’est pas la défaite de Sarkozy, mais la victoire sensationnelle de Fillon, a-t-il répété avant de livrer cette ultime réflexion : Si Fillon gagne [la présidentielle], cela brisera le tandem Paris-Berlin sur la Russie. Merkel restera pratiquement seule avec Varsovie et les pays Baltes. »

« Le scénario Trump s’est répété »

Bon connaisseur de la scène politique française, l’élu a traduit la satisfaction qu’a déclenché dans les cercles proches du Kremlin, la percée de celui qui est considéré, ici, comme un interlocuteur « russo compatible ». Après l’élimination du camp démocrate aux Etats-Unis, la Russie engrange les bonnes nouvelles. La première chaîne de télévision russe, Perviy Kanal a d’ailleurs fait le parallèle : « En quelque sorte, le scénario Trump s’est répété. »

« L’axe Paris-Berlin, sur lequel repose l’Union européenne, ne sera plus aussi fort et les relations avec la Russie devrait s’améliorer », a poursuivi le commentateur, en évoquant les noms de François Fillon et Marine Le Pen comme finalistes potentiels de l’élection présidentielle. « On aura donc vraisemblablement deux candidats russo-favorables et non atlantistes au second tour en 2017 », s’est félicité de Russie sur Twitter Alexandre Latsa, de son vrai nom Alexandre Stefanesco, membre du parti Les Républicains (LR) et zélé laudateur du régime poutinien sur les réseaux sociaux. Son message, sans craindre de sauter les étapes, s’accompagnait des mots-clé « bouleversement », « victoire ».

Saluant la « position plus prorusse » de M. Fillon, notamment pour ses déclarations favorables à un rapprochement avec Moscou sur la Syrie, le quotidien Nezavissimaïa Gazeta résumait de son côté : « Les Républicains français ont rejoint la coalition russe. »

Les prises de position de François Fillon ont souvent résonné agréablement à Moscou. Partisan de la livraison des navires Mistral à la Russie, tout comme de la levée des sanctions européennes infligées en réaction à l’annexion de la Crimée et au conflit dans l’est de l’Ukraine, favorable à une alliance en Syrie, l’ancien premier ministre français a toujours prôné une position conciliante envers son dirigeant, Vladimir Poutine, qu’il a maintes fois rencontré, y compris dans sa datcha ou, en 2008, autour d’une table de billard dans sa résidence officielle de Sotchi, comme l’a rapporté l’hebdomadaire L’Express dans un article paru en janvier 2014 sous le titre « François Fillon et son ami Poutine ».

Un habitué du Club Valdaï

Le candidat républicain est surtout un habitué du Club Valdaï, le premier cercle international d’influence russe, tout comme du Forum économique de Saint-Pétersbourg. Dans le premier, en 2013, il avait ainsi rendu un hommage chaleureux au président russe. « J’ai souvent vu des discussions formelles dans les relations internationales. (…) Avec Vladimir Poutine, ces discussions étaient plus longues, plus spontanées, plus vivantes et, bien sûr, plus constructives. »

Cela ne l’avait cependant pas empêché de défendre l’intervention française en Libye, tant décriée par son hôte. Mais en 2015, à Saint-Pétersbourg, l’ancien premier ministre était intervenu sur un ton plus dur, se présentant comme porteur d’un message pour « mettre fin » à la crise déclenchée par la guerre dans l’est de l’Ukraine et « lever les sanctions » : « La question est moins de savoir qui est coupable ou innocent que d’arrêter tout ça. »

« Notre destinée, avait-il lancé devant une salle bondée, est inextricablement liée, c’est ce que disait le général de Gaulle lors de sa visite en Russie en 1966. Nous étions alors au milieu de la guerre froide et déjà de Gaulle prévoyait l’unité historique du continent… » Alors quoi ? S’était-il soudain animé sur la scène : « De Gaulle parlait avec Staline et il faudrait nous empêcher de travailler avec le président Poutine ? »

Ce parti pris a conquis une bonne partie de l’électorat républicain parmi les expatriés à Moscou. Député (LR) des Français de l’étranger, Thierry Mariani, qui a emmené à deux reprises une délégation parlementaire française en Crimée malgré la désapprobation du Quai d’Orsay, s’est rangé derrière sa candidature, faisant même passer, dès le 18 novembre, pour consigne sur Twitter : « Pour sa défense assumée de nos valeurs occidentales, pour sa politique étrangère gaulliste et surtout pour l’homme, mon choix est François Fillon ». « Le choix de Thierry Mariani a toujours été clair », affirme au Monde Aymeric de Boisboissel, président du comité de soutien de l’ancien premier ministre dans la capitale russe.

Sur les 409 expatriés qui ont pris part, dimanche 20 novembre, à la primaire de la droite, en Russie, le détail des votes était encore attendu avec impatience, lundi après-midi. Moscou, dit-on ici, aurait contribué à resserrer l’écart entre les deux hommes dans la vaste onzième circonscription des Français de l’étranger, qui comprend la Russie, mais aussi toute l’Asie et l’Océanie : Alain Juppé y est arrivé en tête dimanche (43,3 %), suivi de peu par M. Fillon (41,8 %).

Déjà, rendez-vous a été pris autour d’un bon repas dans un grand hôtel de la capitale russe, dimanche 27 novembre, pour le deuxième tour de la primaire de la droite, en présence de M. Mariani.

François Fillon : « Il faut mettre fin à la guerre froide stupide et dangereuse entre l’Europe et la Russie »
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