Une pluie de records à Wall Street et une arnaque inédite. Ainsi peut-on résumer la semaine boursière. Lorsqu’il a émergé sur la scène politique américaine en 2015, Donald Trump était un candidat « anti-Wall Street » aux chances de victoire estimées minimes, pour ne pas dire nulles. L’élection présidentielle du 8 novembre a apporté un double démenti : non seulement il a été élu, mais, depuis, les indices américains volent de record en record.

Lors de la semaine du lundi 21 au vendredi 25 novembre, le Dow Jones, représentatif des « méga-capitalisations américaines », a franchi, pour la première fois de son histoire, les 19 000 points, portant à plus de 9 % son gain depuis le début de l’année. Le S&P 500 (grandes valeurs), le Russell 200 (petites sociétés) ou le Nasdaq (technologies) ont, eux aussi, inscrit un nouveau plus haut historique, augurant un de ces rallyes de fin d’année comme la Bourse les affectionne tant.

La raison de cet optimisme ? Les investisseurs jouent pleinement la thématique de la relance budgétaire promise par M. Trump et, donc, la disparition du risque de déflation.

« Il est intéressant de souligner que le marché actions progresse malgré la remontée des taux. Cela laisse penser que la grande rotation des actifs, dont on parle depuis plusieurs années, à savoir des investisseurs sortant des actifs de taux pour réinvestir dans les actions, est enfin en train de se produire », explique Louis Bert, directeur général délégué de Dorval Asset Management.

En Europe, la tendance est un peu moins euphorique. Les investisseurs manifestent un attentisme certain, qui s’explique par l’imminence du référendum constitutionnel italien prévu le 4 décembre. Ce rendez-vous pourrait bien être le prochain « choc politique » possible.

« Après l’élection de Donald Trump et le Brexit, le référendum italien est le prochain événement politique de 2016 – et, espérons-le, le dernier – qui pourrait provoquer une forte réaction des marchés financiers », préviennent les analystes d’AXA IM, dans une note publiée jeudi 24 novembre.

Arnaque

Le CAC 40 s’octroie tout de même une hausse de 1,02 %, et franchit de nouveau la barre des 4 500 points. Mais la semaine n’a pas été de tout repos pour certains. L’arnaque boursière qui a touché Vinci a ainsi battu des records… en matière de sophistication. Diffuser des fausses rumeurs pour faire bouger une valeur est vieux comme la Bourse, mais leur canal de diffusion a glissé de la corbeille du Palais Brongniart jusqu’à Twitter.

Le dispositif, utilisé ici avec succès, pour déstabiliser l’action du groupe de construction (qui a plongé avant de rebondir) est d’un autre calibre : l’utilisation d’un nom de domaine Internet trompeur pour envoyer des communiqués mensongers, qui évoquent des malversations comptables. Le tout étant assez crédible pour duper des agences de presse comme Bloomberg ou Dow Jones, et donc obtenir une couverture médiatique importante. L’affaire illustre bien le fait qu’en Bourse le risque peut se matérialiser de bien des manières, pas toujours prévisibles.

Ce que le marché semble globalement oublier aujourd’hui, c’est le risque. Ou du moins s’en accommode-t-il mieux

Le risque, c’est précisément ce que le marché semble globalement oublier aujourd’hui. Ou du moins s’en accommode-t-il mieux. L’analyse sectorielle de l’évolution du marché américain depuis l’élection de M. Trump est, à ce titre, assez parlante.

Un des paris les plus évidents semblait l’achat des valeurs du secteur pharmaceutique, avec la disparition de la menace Hillary Clinton (la candidate démocrate plaidait pour une modération du prix des médicaments) et la vente du secteur technologique, symbole de la mondialisation que M. Trump entend combattre.

2017, année de la désillusion ?

En fait, au-delà du mouvement d’humeur initial, ces secteurs n’ont pas affiché d’évolution marquée depuis l’élection. Ce sont bien les secteurs cycliques ou ceux bénéficiant de la remontée attendue des taux qui ont réagi favorablement – finance, industrie et énergie en tête –, au détriment de ceux qui possèdent des vertus défensives – consommation non cyclique, immobilier, services aux collectivités.

Après la hausse des indices, les avis divergent pour savoir si cette « grande rotation » permettra de soutenir encore les actions. Les stratégistes de Deutsche Bank estiment que la politique du président élu pourrait pousser l’indice S&P 500 jusqu’à 2 500 points en 2017, soit 14 % de plus qu’actuellement. Certains ironiseront sur le fait que l’allemand a été l’un des grands financeurs de l’empire Trump.

Goldman Sachs est plus sceptique. Elle craint que 2017 ne soit l’année de la désillusion.

Et Oxford Economics de prévenir :

« Les marchés parient sur le fait que les promesses de baisse des taxes, de relance budgétaire et d’une moindre régulation du secteur financier seront tenues. »

Avec un risque important de déception dans le cas contraire. Les promesses n’engagent que ceux qui y croient, dit l’adage. Les marchés feraient bien de ne pas l’oublier.

Quand le genre influence la stratégie boursière

La finance dite « comportementale » s’attache à détecter les biais – émotionnels, notamment – qui affectent la rationalité des investisseurs. Deux professeurs de l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales, Estefania Santacreu-Vasut et François Longin, ont étudié l’influence du genre sur les décisions d’investissement au moyen d’un jeu de simulation financière, dans une étude parue mardi 22 novembre. Les « apprentis traders », autrement dit les étudiants, devaient décider d’acheter…