Madagascar sort petit à petit du purgatoire
Madagascar sort petit à petit du purgatoire
Par Laurence Caramel
La Grande Ile, mise au ban de la communauté des bailleurs après le coup d’Etat de 2009, sollicite une aide de 3,3 milliards de dollars.
Le président malgache Hery Rajaonarimampianina à Antananarivo en 2016.
Après le Sommet de la francophonie la semaine dernière, la conférence des donateurs qui se tient jeudi 1er et vendredi 2 décembre à Paris marque une nouvelle étape dans la réintégration de Madagascar sur la scène internationale. La délégation malgache conduite par le président Hery Rajaonarimampianina espère lever 3,3 milliards de dollars (3,1 milliards d’euros) pour financer les priorités son Plan de développement. La somme est conséquente pour ce pays mis au ban après le coup d’Etat de 2009 et dont la mauvaise gouvernance avait jusqu’à présent convaincu les bailleurs multilatéraux et bilatéraux de s’engager avec la plus grande prudence.
Il semble donc que cette parenthèse doive être refermée et que soit venue l’heure pour Madagascar de sortir du purgatoire. Il serait excessif d’affirmer que la gestion du nouveau chef de l’Etat, élu en 2014 pour mettre fin à la période de la « transition », est à l’origine d’une confiance retrouvée. A mi-mandat, personne ne voit en M. Rajaonarimampianina l’homme providentiel capable de soigner les maux de la Grande Ile. Au mieux, et en dépit de son manque d’assise politique, lui prête-t-on le mérite de « faire des efforts ». Depuis quelques mois, les impôts rentrent mieux dans les caisses de l’Etat et la croissance économique donne des signes de redressement.
Ce réengagement des pays étrangers et des banques de développement se justifie davantage par un constat qui sera certainement répété au cours de ces deux jours : avec 24 dollars, Madagascar est le pays qui reçoit l’aide par habitant la plus faible après la Corée du Nord. Bien moins que la grande majorité des pays d’Afrique subsaharienne qui appartiennent comme elle aux pays les moins avancés. Le Sénégal et le Mali en reçoivent par exemple trois fois plus. « C’est une question d’équité. Le pays est dans une telle pauvreté que nous devons l’aider à se redresser », plaide Coralie Gevers, la représentante de la Banque mondiale à Madagascar.
Une pauvreté massive
Depuis 2009, les indicateurs sociaux n’ont cessé de se dégrader. La pauvreté, définie par un revenu inférieur à 1,90 dollar par jour, touche près de 80 % de la population. Les progrès réalisés au cours des années 2000 pour atteindre les Objectifs de développement du Millénaire ont été en partie balayés par la dernière crise politique et Madagascar affiche aujourd’hui parmi les pires performances en matière d’éducation, de santé, d’accès à l’eau potable, à l’électricité… « Il faut réaliser de grands investissements dans la santé et l’éducation. Construire des infrastructures, sinon le pays ne pourra pas se relever », défend également Violet Kakyomya, la représentante du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
Hotspot de la biodiversité mondiale connu pour ses lémuriens et ses baobabs, Madagascar est aussi l’un des dix pays au monde les plus exposés au changement climatique alors que sa population vit encore en grande majorité de l’agriculture. Après trois années de sécheresse, 1,2 million de personnes ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence dans le sud de l’île, selon le communiqué du Programme alimentaire mondial (PAM) du 18 novembre. Tristes records.
C’est donc les yeux ouverts que le Fonds monétaire international (FMI) a décidé en juillet d’accorder à Antananarivo une facilité élargie de crédit de quelque 300 millions de dollars. Cette somme destinée à « renforcer la stabilité macroéconomique » était le signal attendu par les bailleurs et les investisseurs privés qui se réunissent à Paris pour examiner la liste d’une cinquantaine de projets jugés prioritaires dans les secteurs de l’éducation, du tourisme, de l’énergie, de l’agriculture, des routes ou de la santé.
Le chèque n’a pas été signé sans un avertissement : « Les réformes destinées à renforcer la gouvernance sont également déterminantes pour la réussite du programme économique. (…) Il convient de renforcer les pratiques de gestion des finances publiques et de passation de marchés, d’accroître la transparence budgétaire, de gérer avec prudence les conséquences budgétaires des partenariats public-privé, et de renforcer les institutions et le dispositif juridique de lutte contre la corruption. » L’essentiel est dit.
Alors qu’au siège de l’Unesco à Paris, le président malgache lancera, jeudi, un appel à la solidarité pour l’aider « à lutter contre la pauvreté », un dossier risque de rapidement mettre à l’épreuve ses déclarations de bonnes intentions. Madagascar reste en effet sous la menace de nouvelles sanctions de la Convention sur le commerce international des espèces menacées (CITES) : si d’ici à la fin décembre, le gouvernement ne donne pas de preuves concrètes de sa volonté de s’attaquer au trafic de bois de rose qui gangrène le pays jusque dans les plus hautes sphères de l’Etat, l’organisation basée à Genève pourrait décréter un embargo total sur le commerce des espèces protégées de l’île.
Défenseurs de l’environnement menacés
L’occasion lui en est offerte : le 9 décembre s’ouvrira à Singapour le procès en appel engagé suite à la saisie de la plus grosse cargaison de bois de rose – 3 300 tonnes d’une valeur de 50 millions de dollars – à l’étranger. Une entreprise chinoise est sur le banc des accusés et le gouvernement malgache est appelé à la barre pour dire si les rondins confisqués en mars 2014 sont illégaux ou pas. Tous ceux qui suivent ce dossier savent que c’est le cas, mais le gouvernement a jusqu’à présent adopté des positions contradictoires avant de se mettre en retrait. Pour protéger des opérateurs malgaches impliqués dans le trafic ?
Les défenseurs de l’environnement continuent en revanche de vivre sous la pression. L’un d’entre eux, Clovis Razafimalala est emprisonné depuis le 16 septembre à la maison d’arrêt de Tamatave. Il est accusé d’avoir participé à une manifestation et au saccage d’un bâtiment public à Maroantsetra, l’un des carrefours du trafic de la contrebande. Selon des membres du collectif Lampogno auquel le militant appartient, celui-ci ne pouvait se trouver sur les lieux.