Souleymane Sylla, en septembre à Saint-Ouen. | Jean-François Robert pour « M, Le Magazine du Monde »

C’était en 6e. La prof de français avait décidé de monter Le Petit Chaperon rouge. Je jouais la Mère-­Grand. C’est à ce moment-là que j’ai su que je voulais devenir acteur. » Depuis, Souleymane Sylla a fait du chemin. Arrivé à 8 ans à Créteil (Val-de-Marne) avec sa mère, en provenance de Dakar, le jeune homme de 25 ans est actuellement en deuxième année au Conservatoire national supérieur d’art dramatique. La voie royale pour devenir acteur.

Pourtant, pendant longtemps, Souleymane Sylla était persuadé qu’une telle carrière lui était interdite. « Mon entourage me le répétait, explique-t-il. J’avais un désir fort, mais avec ce que l’on voit sur les écrans, comment croire que l’on a un avenir ? » Il compte les quelques acteurs noirs connus qui ont obtenu des rôles intéressants, au-delà des clichés, et ne se laisse pas décourager. Passionné, il fait du théâtre au lycée et poursuit à l’université de Créteil, où il s’inscrit en langues étrangères appliquées. Simultanément, il fait de la figuration, des jobs trouvés sur Internet, pour gagner de l’argent. Sa mère, avec qui il vit, garde des enfants à leur domicile et a des revenus modestes.

« Des histoires à raconter »

C’est sa petite amie d’alors qui le pousse à tenter les concours des conservatoires d’arrondissement parisiens. Il réussit celui du 7e. Les choses vont alors s’enchaîner. Souleymane rejoint l’association 1 000 Visages, créée par Houda Benyamina, la réalisatrice de Divines, pour aider les jeunes cinéastes sans réseau, issus de quartiers prioritaires, à entrer dans le milieu. Il s’initie aux techniques de base et se lance dans un court-métrage. « Nous aussi, qui sommes en bas, on a des histoires à raconter, dit-il. Si on ne nous laisse pas la parole, il faut la prendre. »

Par Houda Benyamina, il apprend que des master classes sont organisées afin d’ouvrir les écoles de théâtre à la diversité. Di­rigées par les metteurs en scène Stanislas Nordey et Stéphane Braunschweig, elles se déroulent au Théâtre national de la Colline, à Paris. Depuis l’arrivée de Stanislas Nordey à la tête du Théâtre national de Strasbourg, ce dispositif, baptisé Ier Acte, s’est étoffé. La plupart des autres écoles proposent désormais le leur.

Lors de la master class, Blandine Savetier, actrice et metteuse en scène associée au TNS, remarque Souleymane – « très profond, vivant et intelligent ». Elle décide de lui consacrer du temps, ainsi qu’à son copain Josué, pour les préparer aux concours des grandes écoles. Trois fois par semaine, elle les fait travailler.

La peur de l’échec

Souleymane ne présente que le Conservatoire. « J’ai énormément peur de l’échec, confie-t-il. En ne tentant qu’un concours, je limite la casse émotionnelle si je suis ­recalé. » Il y a une autre raison, ­affective : « J’aurais bien essayé le TNS, mais ma mère n’aurait pas pu venir souvent à Strasbourg. » Outre le Conservatoire, Souleymane met actuellement un point final à son second court-métrage. Il répète aussi le prochain spectacle de Blandine Savetier, inspiré du roman Neige, du Turc Orhan Pamuk.

Pour la première fois, Souleymane est autonome. En octobre dernier, il a emménagé dans une résidence universitaire à Paris. Il touche une bourse étudiante et une allocation du Conservatoire : « J’avance pas à pas. Il peut toujours y avoir un retournement de situation. »

Une prudence qui vaut aussi pour les progrès de la diversité au théâtre ou au cinéma. « La partie ne sera gagnée que lorsqu’on prendra des postes à responsabilité, quand le mot diversité aura disparu car la question ne se posera plus et quand on emploiera un acteur parce qu’il est acteur et c’est tout. »

Un dossier spécial et un Salon étudiant pour choisir sa formation artistique

Retrouvez notre dossier spécial consacré aux formations artistiques, publié progressivement sur Le Monde.fr et dans un supplément publié dans Le Monde daté de jeudi 1er décembre, avec des analyses, des reportages dans les écoles ainsi que des témoignages d’étudiants.

Des informations à compléter lors du Salon des formations artistiques, organisé par Le Monde et Télérama, qui se tiendra les 3 et 4 décembre à Paris, grâce aux conférences et aux ateliers, et en rencontrant des responsables et des étudiants des nombreuses écoles représentées. Entrée gratuite, préinscription recommandée.