Qui sont les cadres de 2016 ?
Qui sont les cadres de 2016 ?
Par Catherine Quignon
Management façon « start-up », digitalisation, pression de la hiérarchie : les manageurs sont soumis à toutes sortes d’injonctions. L’Association pour l’emploi des cadres a invité les DRH et les partenaires sociaux à dresser leur portrait-robot.
« Le cadre voit d’un bon œil les nouveaux outils numériques – smartphones, messageries instantanées, visioconférences – qui se sont imposés dans son quotidien professionnel ». | Flickr (Steve Purkiss_CC BY SA 2
Homme à tout faire, hyperconnecté, parfois bousculé dans son éthique : tel est le portrait-robot du cadre, dessiné lors des débats du colloque « Cadres : enjeux et mutations pour demain », organisé pour les 50 ans de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), jeudi 1er décembre.
Premier constat : le cadre voit d’un bon œil les nouveaux outils numériques – smartphones, messageries instantanées, visioconférences… – qui se sont imposés dans son quotidien professionnel. Selon un sondage commandé au cabinet Elabe et révélé lors du colloque, 9 cadres sur 10 jugent « positive » cette évolution.
« Il est vrai que les projets de transformation digitale menés chez nous ont été hyperfédérateurs, a constaté Myriam Couillaud, la directrice des ressources humaines du groupe HSBC France, lors d’une première table ronde organisée à ce sujet. Lorsqu’on a digitalisé la fonction RH, tout le monde était enthousiaste ».
Saluant cette évolution, le directeur des ressources humaines de Robert Bosch France, Dominique Olivier, a toutefois regretté que les échanges virtuels prennent le pas sur les discussions « en direct ». « Ces outils ont changé les relations dans les entreprises, a-t-il fait remarquer. Regardez le nombre de personnes qui lisent en douce leurs SMS sur leur portable pendant les réunions ! ».
L’importance du dialogue
Le DRH de Robert Bosch France a également pointé la perméabilité de plus en plus forte entre vie privée et vie professionnelle. « Le sujet de demain, ça va être de permettre au cadre de garder ses équilibres, a-t-il souligné. On est dans un monde de plus en plus rapide, exigeant, où il faut être ici et ailleurs. Le mode projet peut être épuisant. Savoir dire non à son patron, à mon avis, va redevenir essentiel ».
« Le problème, ce ne sont pas les outils, mais l’utilisation excessive qui peut en être faite, estime de son côté Jean-Paul Charlez, président de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH). C’est là où les directeurs des ressources humaines ont une responsabilité ».
Soulignant la diversité des rythmes de chacun, Mme Couillaud a fait valoir, quant à elle, l’importance du dialogue entre salariés et managers. « Comme je fais mes mails tôt le matin, je m’assure que cela ne dérange pas mes collaborateurs », a-t-elle indiqué en guise de bonne pratique.
Lors d’une seconde table ronde, des représentants patronaux et syndicaux ont débattu autour de l’évolution du rôle du cadre et de ses aspirations. « La population cadre s’est étoffée, rajeunie, féminisée ; cela a des conséquences sur leurs aspirations a constaté Marie-José Kotlicki, secrétaire générale de l’Ugict-CGT : Aujourd’hui, les cadres aspirent à la reconnaissance de leurs qualifications et à une meilleure qualité de vie ».
La secrétaire générale a aussi pointé les questionnements éthiques que doit affronter le cadre, tiraillé entre ses convictions et les injonctions de sa hiérarchie. « De plus en plus de cadres et de DRH nous alertent car ils se sentent comme des exécutants, mais avec des responsabilités élargies », a souligné Mme Kotlicki.
Précarité liée au numérique
Le vice-président de la CGPME Jean-Michel Pottier a nuancé les responsabilités du cadre par rapport à la taille de l’entreprise : « un cadre sur deux travaille dans une PME, la réalité n’y est pas la même, a-t-il indiqué. Le chef d’entreprise s’entoure de collaborateurs qui lui permettent de compléter ses compétences. Il y a une opportunité entrepreneuriale très grande pour les cadres. J’ai moi-même cédé mon entreprise à une de mes salariées ».
Philippe Louis, président de la CFTC, a de son côté alerté sur les effets de mode du management façon « start-up » : absence de hiérarchie, travail en mode « projet », salarié connecté 24h/24… « Certaines entreprises ne s’y reconnaissent pas du tout, a-t-il indiqué. Cette organisation du travail inquiète aussi beaucoup de cadres, car c’est complètement déstructurant ».
Les nouvelles formes d’organisation du travail ont d’ailleurs été au centre des débats. « Le mouvement syndical ne s’est pas assez intéressé à cette question, a reconnu Jean-Claude Mailly, secrétaire général de la CGT-FO. Que l’organisation du travail doive évoluer, on en est tous conscients, mais il faut qu’il y ait des règles ». « Il faut arrêter de penser qu’à chaque fois qu’il y a un problème, il faut de la réglementation », a riposté le président du Medef, Pierre Gattaz, plaidant sans surprise pour plus de flexibilité.
Autre point mis en exergue par les représentants syndicaux : la précarité des emplois liée à l’économique numérique. « Ces nouvelles formes d’emplois induisent de nouveaux risques », a estimé François Hommeril, président de la CFE-CGC, en concluant : « le point essentiel pour les cadres reste l’accès à l’emploi ».