Nigeria : l’ex-première dame se défend contre les accusations de corruption
Nigeria : l’ex-première dame se défend contre les accusations de corruption
Par Mélanie Gonzalez (contributrice Le Monde Afrique, Abuja)
Des millions de dollars ont été gelés sur les comptes de Patience Jonathan. Accusée de blanchiment d’argent, elle a saisi la justice pour tenter de les récupérer.
L’ex-première dame nigériane, Patience Jonathan, tente de récupérer ses millions. La cour suprême fédérale de Lagos a examiné, mercredi 7 décembre, une plainte déposée en octobre par l’épouse de l’ancien président Goodluck Jonathan contre la Commission des crimes économiques et financiers (EFCC), l’agence gouvernementale anti-corruption, après le gel en juillet 2016 de quatre de ses comptes bancaires.
Celle que les Nigérians raillaient pour ses sorties candides (« le président a été un enfant un jour et les sénateurs aussi ont été enfants un jour ») juge illégal le blocage de 15 millions de dollars et réclame 200 millions de dollars de dommages et intérêts pour le préjudice subi. Patience Jonathan a également appelé la Chambre des Représentants du Nigeria à mettre un terme au « harcèlement » dont elle se dit victime par la EFCC, rappelant qu’elle est présumée innocente.
La EFCC soupçonne l’épouse de l’ancien président d’avoir blanchi de l’argent, une affaire impliquant l’ancien conseiller spécial chargé des affaires intérieures, Waripamowei Dudafa. Ce dernier a également été entendu par la justice mercredi, ainsi que les responsables de la Skye Bank, où les fonds étaient détenus. Patience Jonathan, 59 ans, qui a été enseignante avant une brève carrière bancaire, maintient que ces 15 millions de dollars (13,9 millions d’euros) étaient destinés à payer ses frais médicaux. En amont du procès, la EFCC a quant à elle affirmé que cet argent provenait « d’activités criminelles ». La cour suprême a entendu les deux parties et fixé l’audience suivante au 18 janvier prochain.
175 millions de dollars sur d’autres comptes suspects
Selon une enquête publiée fin novembre par le quotidien nigérian The Nation, les détectives de l’EFCC auraient découvert plusieurs autres comptes suspects en lien avec l’ex-première dame, avec cette fois 175 millions de dollars. Cette somme figurait sur le compte de la société Pluto Property & Investment, une entreprise appartenant à Patience Jonathan.
Selon The Nation, ce compte, ouvert en janvier 2013, alors que son mari était au pouvoir depuis trois ans, aurait été alimenté quatre fois en 14 mois, par dépôts de plusieurs dizaines de millions de dollars, entre février 2014 et avril 2015, date des élections qui ont vu Goodluck Jonathan perdre les élections. « Tous les dépôts ont été réalisés en cash, ce qui indique qu’il s’agissait d’un pur cas de blanchiment d’argent », indique une source au journal. « Et cela sans que n’ait eu lieu une quelconque signature de contrat entre la société et un tiers ».
Vague de protestation dans le sud chrétien
Des analystes soulignent que cette affaire pourrait pousser le gouvernement à ouvrir une enquête sur Goodluck Jonathan, alors que l’actuel président Muhammadu Buhari avait affirmé au début de son mandat, malgré sa priorité de lutte contre la corruption, que son prédécesseur n’avait rien à craindre.
Les déboires de l’ex-première dame avec la justice ont entre-temps provoqué une vague de protestation dans le sud chrétien du pays, dont est issu le couple. Fin novembre, le mouvement des jeunes Igbo, une ethnie très présente au sud, est descendu dans les rues de la ville d’Enugu, dans le sud-est, pour dénoncer les accusations contre Patience Jonathan. Pour Victor Ezenagu, coordinateur du groupe, l’enquête vise seulement à « humilier » l’ancien président. Quelques jours plus tôt, plus d’une centaine de femmes avait occupé la Cour suprême fédérale de Lagos en chantant des slogans de soutien à la femme de l’ancien président.
La campagne anti-corruption du président Buhari bat toujours son plein. Mercredi, un autre procès devait se tenir, devant la Haute cour fédérale à Abuja, celui d’un juge de la Cour suprême, Sylvester Ngwuta, arrêté en octobre avec six autres magistrats, lors d’une opération sans précédent. Il est accusé d’avoir blanchi plus de 1,6 million d’euros entre janvier et octobre 2016 et selon le parquet, se trouvait également en possession illégale de plusieurs passeports, dont des passeports diplomatiques. M. Ngwuta, 65 ans, a plaidé non coupable de tous les chefs d’accusation et a obtenu que son procès soit reporté au 18 janvier 2017.