Pollution à Paris : des faux-airs de Pékin-sur-Seine
Pollution à Paris : des faux-airs de Pékin-sur-Seine
Editorial. Les pics de pollution atmosphérique enregistrés ces derniers jours montrent qu’il est désormais indispensable de s’attaquer résolumment à ce fléau et d’éviter les querelles partisanes.
Une vue de Paris, prise depuis la tour Montparnasse, le 5 décembre. | THOMAS SAMSON / AFP
Editorial du « Monde ». C’est le scandale sanitaire de demain : la pollution atmosphérique, qui menace la santé des Français, en particulier celle des Franciliens et des Lyonnais. Les chiffres peuvent être contestés, mais l’ordre de grandeur est établi : ce fléau provoque près de 50 000 morts prématurées par an, soit autant que l’alcool.
Paris et sa région ont ces jours-ci des faux airs de Pékin-sur-Seine, même si les taux relevés sont sans commune mesure avec la capitale chinoise. Il faudrait donc s’attaquer résolument à la pollution atmosphérique. Les causes sont multiples, en particulier le chauffage, l’industrie et la voiture dont il convient de réduire drastiquement l’usage et de la convertir rapidement à l’électrique. Voilà pour les principes.
Un cas d’école
Reste à passer à la mise en œuvre. Les autorités ont voulu donner le sentiment qu’elles s’attaquaient au problème en imposant la circulation alternée. C’est un fiasco, parce que la mesure, mal appliquée, n’a réduit le trafic qu’à la marge et peu influé sur le niveau de pollution. Surtout, elle a mis en évidence la défaillance structurelle des transports publics, RATP et SNCF. S’il faut parfois prendre des mesures coercitives pour changer les habitudes de transport, celles-ci seront vouées à l’échec et provoqueront la révolte des citoyens si aucune offre alternative n’est proposée.
Mardi, premier jour de circulation alternée, a été un cas d’école, avec la rupture de caténaires qui a conduit à l’interruption du trafic des RER B et D. Ces incidents ont mis en lumière le quotidien des usagers des transports en commun franciliens et parisiens. Défaillances techniques permanentes, rames bondées à toute heure du jour, fréquence souvent très insuffisante, retards systématiques, crasse du réseau, bus coincés dans les embouteillages faute de voies réservées sur tout le trajet. Ces incidents ne sont pas un malheureux hasard, mais liés à une tiers-mondisation du service public français.
Il convient d’abord d’accuser le sous-investissement passé, notamment à la SNCF. De 1980 à 2010, l’Etat et la direction de la SNCF n’ont eu d’yeux – et d’argent – que pour la grande vitesse, oubliant le réseau francilien qui, s’il ne représente que 10 % du réseau ferré français, supporte à lui seul 40 % du trafic voyageurs national. Le résultat fut un sous-investissement chronique de 500 millions d’euros par an en Ile-de-France.
Faire preuve de pédagogie
Corriger cette dérive est l’affaire d’années, voire de décennies. La Cour des comptes l’a rappelé dans son rapport annuel en février 2016, l’état général des infrastructures ferroviaires en Ile-de-France continuera de se dégrader jusqu’en 2020 et ce n’est qu’en 2025 qu’on retrouvera le niveau – pourtant calamiteux – du début 2016. Ainsi, il faudra attendre 2023 pour inaugurer enfin la desserte rapide de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.
Ce temps long ne doit pas empêcher les politiques de préparer l’avenir et de faire preuve de pédagogie. A cet égard, la guerre que se livrent la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, et la présidente de région, Valérie Pécresse (Les Républicains), est consternante. La crise intervient après des mois de polémiques sur la fermeture des voies sur berge décidée par Anne Hidalgo, pour les habitants du centre-ville de Paris, sans se soucier des conséquences sur les banlieusards et les quartiers périphériques. Ce blocage risque malheureusement d’être durable. Les querelles partisanes et l’atomisation des pouvoirs de Paris et de sa région l’empêchent de devenir une métropole moderne et écologique.