Geert Wilders en décembre 2014. | EVERT-JAN DANIELS / AFP

Le tribunal de La Haye, qui siégeait dans un prétoire hautement sécurisé à Schiphol compte tenu des menaces qui pèsent depuis des années sur l’intéressé, a mis un point final, vendredi 9 décembre, au procès intenté au dirigeant d’extrême droite Geert Wilders, le fondateur du Parti pour la liberté (PVV). Les juges ont estimé que M. Wilders s’était rendu coupable, en 2014, d’insulte à un groupe bien déterminé - les Marocains - et d’incitation à la discrimination. Il a, en revanche, bénéficié d’un non-lieu concernant une possible incitation à la haine.

En mars 2014, au cours d’un meeting électoral, le dirigeant du PVV avait harangué un groupe de ses partisans en leur demandant s’ils voulaient « moins de Marocains » aux Pays-Bas. « Moins, moins, moins ! », avaient scandé en réponse les personnes présentes. « Nous allons nous en occuper ! », répondait M. Wilders. Des centaines de plaintes avaient ensuite été déposées, après une campagne organisée par une série d’organisations.

Le député encourait jusqu’à 24 mois de détention et 20 000 euros d’amende. Le ministère public avait toutefois requis une amende symbolique de 5 000 euros, censée sanctionner des propos « insultants » et porteurs de « sentiments très négatifs » à l’égard d’une partie de la population. Les juges n’ont finalement pas prononcé de peine, estimant que le fait de désigner le dirigeant d’extrême droite comme partiellement coupable était une sanction suffisante. M. Wilders devra en revanche acquitter la moitié des frais du procès, l’autre moitié étant à charge des plaignants. Son avocat a immédiatement fait savoir, dans un communiqué, qu’il irait un appel.

Interdire le Coran et fermer les mosquées

M. Wilders, qui ne s’est rendu qu’une seule fois aux audiences, pour dénoncer le « procès politique » qui lui était fait a indiqué récemment qu’il ne tiendrait aucun compte du jugement, quel qu’il soit. « Je continuerai à dire la vérité, sur le problème marocain aussi. Aucun juge, aucun politique, aucun terroriste ne m’en empêchera » a-t-il expliqué au quotidien populaire De Telegraaf. Il dénonce, depuis des années, ce qu’il appelle le « terrorisme des rues », veut interdire le Coran et fermer les mosquées. À propos de son procès, il estime que le « système » veut, en réalité, empêcher les Néerlandais « normaux » de « récupérer leur pays ». Vendredi, les trois juges ont voulu lui répondre indirectement en soulignant que la liberté d’expression était l’un des fondements d’une société démocratique mais qu’elle pouvait, en vertu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, connaître des limites. A fortiori quand un homme politique est concerné.

Le parlement de La Haye va, de son côté, devoir réfléchir à l’éventuelle suppression de deux articles de loi portant précisément sur l’incitation à la haine et la discrimination. Joram van Klaveren, un député dissident du parti de M. Wilders, a relayé une initiative visant à organiser une consultation populaire sur ce sujet. La loi ne retiendrait plus que l’incitation à la violence. M. Wilders a été jugé une première fois en 2011 sur la base de ces dispositions. Visé par des plaintes pour incitation à la haine et insultes à la communauté musulmane, il avait bénéficié d’un non-lieu. Son film Fitna, censé dénoncer les violences inhérentes à l’islam, avait auparavant suscité une vive polémique et causé des tensions diplomatiques entre les Pays-Bas et des pays arabes.

Les députés de la Deuxième chambre, dont les libéraux du VVD - la formation du premier ministre Mark Rutte - ont décidé d’attendre l’arrêt du tribunal appelé à juger le chef du parti populiste. À ce stade, le texte permettant l’organisation d’un référendum ne devrait pas recueillir un appui suffisant, compte tenu de l’opposition de la gauche social démocrate, des centristes et des chrétiens-démocrates.

Le procès qui lui a été intenté n’a, en tout cas, pas entamé la popularité du dirigeant d’extrême droite. Selon un sondage publié le 8 décembre, son parti remporterait actuellement 29 des 150 sièges à la Chambre des députés, pour 27 au Parti libéral VVD du premier ministre Mark Rutte. Le PVDA, le parti social-démocrate, membre de la coalition au pouvoir, serait, selon les prévisions, le grand perdant des futures élections : il ne garderait que 7 des 38 sièges qu’il détient actuellement. Les élections législatives ont lieu en mars 2017.

Pour une fermeture complète des frontières

M. Wilders affirme qu’il briguera le pouvoir s’il arrive en tête de ce scrutin. Il devra toutefois trouver un, ou des partenaires pour former une coalition. Et aucun parti ne semble prêt à une telle alliance, même si le VVD entretient un certain flou sur cette question. Après les élections de 2010, et alors qu’il détenait 24 sièges, le chef du PVV avait appliqué une politique dite « de tolérance » à l’égard d’une coalition libérale chrétienne-démocrate, à laquelle il apportait un soutien à la carte.

Une expérience éphémère et jugée désastreuse. M. Rutte, réputé pour sa flexibilité et son opportunisme, ne paraît toutefois ne pas rejeter par principe de nouvelles discussions avec son ex-collègue. M. Wilders a, en effet, été membre du parti libéral de 1989 à 2004, avant de créer son propre parti. Son programme semble cependant difficilement conciliable avec celui des autres grandes formations néerlandaises. Notamment parce qu’il prône aussi une fermeture complète des frontières, la sortie des Pays-Bas de l’Union européenne et l’abandon de la monnaie unique.