Thaïlande : meurtre au paradis
Thaïlande : meurtre au paradis
Par Bruno Philip (Bangkok, correspondant en Asie du Sud-Est)
Sur l’île de Koh Samui, un différend d’affaires entre Français s’est conclu par un meurtre.
C’est une histoire de Français du bout du monde, dont l’exil au paradis a mal tourné. Mercredi 7 décembre au soir, dans un restaurant français de Koh Samui, une île très prisée des touristes et des retraités, située dans le golfe de Thaïlande, Laurent Delacherie, 44 ans, a été abattu d’un coup de pistolet. Une dispute avait éclaté, en raison d’un différend d’affaires, entre la victime et son compatriote Georges Michel, 65 ans. Ce dernier avait quitté les lieux très en colère ; avant de revenir armé un peu plus tard et de tuer M. Delacherie.
Immédiatement, le meurtrier et deux autres Français de ses amis, dont Cyrille Larignon, le patron du restaurant Le Jardin des envies, où le crime a eu lieu, ont décidé de maquiller le meurtre en accident. Ils ont transporté le corps de M. Delacherie dans leur voiture jusqu’à une chute d’eau. Puis ils ont jeté le cadavre dans l’espoir de faire croire que la victime s’était noyée. La tentative aura rapidement tourné court : dénoncés, les trois hommes ont avoué vendredi.
Les détails de l’affaire restent flous. Selon certaines informations diffusées sur des sites Internet francophones en Thaïlande, la dispute entre Laurent Delacherie et Georges Michel avait eu pour objet l’achat par le premier d’un restaurant. S’agissait-il du propre restaurant de M. Michel, résident de longue date de Koh Samui, où il avait ouvert en 1999 le bar à vins A la bonne franquette, dans le village de Maenam ?
Les autorités thaïlandaises, en la personne d’Apichart Boonsriroj, chef de la police de la province de Surat Thani, dont dépend administrativement Koh Samui, ont déclaré que Georges Michel avait été arrêté jeudi sur le continent alors qu’il essayait de prendre la fuite.
Destination en vogue pour les touristes et les retraités français
Koh Samui est, avec l’île de Phuket ou la ville de Pattaya, l’une des destinations les plus en vogue pour les touristes français et aussi pour un certain nombre de retraités préférant s’établir dans un lieu paradisiaque et bon marché au « Pays du sourire ». Des centaines de Français sont enregistrés comme résidents permanents dans cette île, mais sans doute plusieurs milliers d’autres y habitent plus ou moins régulièrement. Une école française, Jungle Samui, a ouvert sur l’île, où se sont installés de nombreux agents immobiliers, architectes, cabinets de conseil et restaurants, tous Français. Il y a même une boucherie-charcuterie française.
Mais c’est parfois la désillusion qui est au rendez-vous. En 2011, le magazine français de Thailande Gavroche avait titré ainsi une enquête sur le blues de certains seniors : « Retraite en Thaïlande : entre rêve et cauchemar ». En raison d’un coût de la vie plus élevé qu’anticipé, de démarches compliquées au bureau de l’immigration et d’une bureaucratie tatillonne aux impératifs parfois contradictoires, certains « expats » finissent par craquer.
Les aspirants à l’immigration continuent pourtant d’affluer : le nombre de résidents du troisième âge enregistrés au consulat français de Bangkok a plus que triplé en dix ans en Thaïlande. Beaucoup lorgnent Koh Samui.
Sur le site Tripadvisor, qui diffuse en ligne les commentaires de clients d’hôtels et de restaurants dans le monde entier, A la bonne franquette, de Georges Michel, jouissait d’une réputation mitigée. Au milieu de certaines réactions positives concernant Tonton Georges, roi local de la bavette et des langoustes de roche à l’armoricaine, on peut lire que le patron ne faisait pas toujours l’unanimité : « Ambiance horrible, patron insolent, voire insultant. Surtout, n’y allez pas ! A fuir ! »