Le nouveau compteur Linky, un système qui suscite quelques inquiétudes. | ALAIN JOCARD / AFP

Les compteurs électriques Linky ne comportent pas plus de risques pour la santé que les télévisions, les chargeurs d’ordinateurs portables, les cuisinières à induction… Ils n’émettent pas plus d’ondes électromagnétiques que tous ces équipements électriques qui occupent les foyers depuis longtemps. Et même beaucoup moins qu’un téléphone portable. Telle est la conclusion de l’étude menée et publiée jeudi 15 décembre par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), visant à évaluer l’exposition de la population avec ces dispositifs.

Expérimenté depuis 2010 à Lyon et en Indre-et-Loire, Linky, ce nouvel outil communiquant, est depuis le 1er décembre 2015 en phase de déploiement dans tous les foyers français. La loi de transition énergétique du 18 août 2015 prévoit en effet le remplacement de 35 millions de compteurs classiques par des Linky, d’ici à 2021.

Des petites communes rétives

Or, l’installation de ces compteurs suscite des inquiétudes sur les possibles risques sanitaires, mais aussi de surfacturation et d’atteinte à la vie privée. Sollicitées par des habitants, près de quatre-vingts petites communes ont adopté des délibérations ou des arrêtés, refusant la pose de ces appareils sur leur territoire.

L’objectif de ces nouveaux appareils « intelligents » est de connaître la consommation d’électricité des usagers en temps réel, et de pouvoir en conséquence mieux la maîtriser pour faire des économies. Pour l’heure, l’apport de Linky réside essentiellement dans l’automatisation des relevés de consommation. Fini ainsi les interventions à domicile : relevé, mise en service, adaptation du contrat se font à distance et donc sans rendez-vous.

Les factures ne sont plus établies sur la base d’une consommation estimée et régularisée tous les six mois, mais sur la consommation réelle. Une fois le nouveau compteur Linky installé dans leur logement, les ménages disposent d’un accès personnalisé et sécurisé à un site mis en place par ERDF, où ils peuvent consulter leur consommation journalière, voire horaire pour ceux qui en font la demande. Données qui sont mises à jour quotidiennement.

Les compteurs d’électricité Linky communiquent de façon filaire, par le réseau électrique, avec un système de courant porteur en ligne (CPL). Comme dans tout appareil électrique ou électronique, la circulation de courant et I’existence de tensions électriques génèrent des ondes électromagnétiques, au niveau du compteur comme à proximité des câbles.

« On reste sur des valeurs très ténues »

Ce type d’émissions électromagnétiques est classé « cancérogène possible » par l’OMS. Cependant, le rayonnement du Linky est très faible. Cependant le rayonnement est très faible. Selon l’étude de l’ANSES, il est, à proximité du compteur, de 0,03 microtesla (µT, unité de mesure de la densité de flux magnétique), soit plus de 200 fois moins que la valeur limite d’exposition.

« Ces niveaux d’expositions ne sont présents que lorsque le compteur fonctionne et transmet des données. Or cette opération se fait la nuit entre minuit et 6 heures du matin, et ne dure qu’une minute, souligne Olivier Merckel, responsable de l’unité évaluation des risques physiques de l’agence, qui a coordonné l’étude. Même s’il peut y avoir parfois d’autres types de communication entre le compteur et le centre de collecte, pour détecter une panne par exemple, on reste sur des valeurs très ténues », insiste-t-il.

Pour affiner le constat de cette faible exposition, l’Anses a demandé au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) de réaliser une campagne de mesures permettant une comparaison entre l’exposition aux anciens compteurs électromécaniques et celles dues à Linky, chez des ménages appelés à être équipés de ce nouveau compteur.

Portant sur tous les types de compteurs communicants, dits de « nouvelle génération », l’étude de l’Anses s’est aussi intéressée au compteur de gaz, Gazpar, que GRDF généralise progressivement depuis le début de l’année, et les compteurs d’eau développés par exemple par Veolia ou Suez. Fonctionnant différemment que Linky, ces équipements pour le gaz et l’eau utilisent des émetteurs radio pour communiquer les données de consommation, deux à six fois par jour, en moins d’une seconde.

Là encore le risque d’exposition est très faible. « Il s’agit d’émetteurs de faible puissance, précise M. Merckel. Très inférieur à celui d’un téléphone mobile, le rayonnement est au maximum de un volt par mètre, à un mètre du compteur et lorsqu’il y a une communication. »

Une éventuelle intrusion dans la vie privée

Cette étude suffira-t-elle à lever les inquiétudes ? « Quel que soit le niveau d’exposition aux ondes électromagnétiques, c’est l’absence de libre arbitre et le risque d’intrusion qui posent problème. Ce qui nous inquiète, c’est l’intrusion dans la vie privée, l’inquisition qu’un compteur comme Linky entraîne. Grâce aux données de consommation quotidiennes, horaires, en temps réel d’électricité, le profil comportemental des personnes sera défini pour déclencher un flux commercial et continu de conseils avisés et d’offres alléchantes », relève Jacky Bonnemains.

Le président de l’association Robin des bois appelle les citoyens à refuser l’installation de Linky : « Si les gens ne veulent pas d’ondes électromagnétiques chez eux, de quel droit on leur imposerait un tel compteur. Il y a une différence entre risque volontaire, choisi et risque subi. C’est eux qui décident d’acheter une télévision, mais non de se voir équipés de Linky. »

Insistant elle-même sur le fait que le déploiement des compteurs communicants participe à une multiplication des objets connectés, l’Anses appelle les opérateurs à fournir une meilleure information au public quant aux modalités de fonctionnement de ces nouvelles technologies. En particulier sur Ia fréquence et la durée des expositions aux ondes électromagnétiques auxquelles elles peuvent conduire. Aussi l’agence recommande-t-elle que le développement des objets connectés s’accompagne de la définition « normes techniques », propres à assurer une caractérisation de l’exposition des personnes.