La normalisation monétaire s’est accélérée depuis l’élection de Donald Trump. | DON EMMERT / AFP

Après trente-cinq années de baisse de taux d’intérêt, le marché semble avoir atteint le nadir en 2016 avec des taux négatifs, notamment pour l’Allemagne. Mais depuis le mois de juillet, la normalisation monétaire prend corps. Elle s’est même accélérée outre-Atlantique après l’élection de Donald Trump et, par effet de contagion, s’est quelque peu répercutée sur les taux européens. Ce n’est pas la première fois que des tensions apparaissent, mais nombre de spécialistes estiment que le mouvement est durable.

Le risque de déflation qui prédominait jusqu’alors en Europe semble évanoui. « Les marchés de taux d’intérêt vont progressivement perdre leur principal soutien, celui des banques centrales », prévient Eric Bourguignon, responsable des activités pour compte de tiers France de Swiss Life Asset Managers. La Réserve fédérale américaine va poursuivre son resserrement monétaire. Et si elle demeure très accommodante, la Banque centrale européenne (BCE) va réduire ses rachats d’actifs de 80 milliards à 60 milliards d’euros par mois à compter d’avril 2017.

En parallèle, les politiques budgétaires deviennent plus expansionnistes à travers le monde, ce qui se traduit par un accroissement des déficits et donc par des recours plus fréquents à l’emprunt. Appliquées au Japon et au Canada, envisagées au Royaume-Uni et surtout aux Etats-Unis, elles sont aussi à l’étude dans plusieurs pays de la zone euro. « L’inflation sera aussi un catalyseur de hausse des taux, ajoute Eric Bourguignon. Elle va augmenter dans le sillage de la reprise des cours du pétrole et d’un certain nombre de matières premières. »

Sur le marché des changes, la baisse de l’euro – la devise européenne s’échange à moins de 1,05 dollar et on évoque déjà un prochain retour à la parité –, renchérit le prix des importations. Conséquence, l’inflation pourrait pratiquement doubler en 2017, à 1,3 %, ce qui devrait avoir un effet mécanique sur les taux d’intérêt, selon la BCE.

L’emprunt obligataire à dix ans français est à 0,8 % actuellement, contre 2,5 % au début de 2014. « La progression des taux d’intérêt est une bonne nouvelle tant que l’on reste sous les 2 %, mais l’important ce n’est pas le taux nominal, c’est le taux réel », explique Didier Bouvignies, responsable de la gestion chez Rothschild & Cie Gestion. « S’il y a de la croissance, de l’inflation, la hausse des taux ne sera pas un problème pour les entreprises », précise-t-il.

Quid de l’Etat ? S’il a nettement baissé en 2016, « le taux d’endettement de l’Etat français est encore de 2 % », ajoute Didier Bouvignies. « Si les taux remontent à ce niveau, il ne se passera rien d’un point de vue comptable sur le déficit budgétaire, seulement un arrêt de l’effet bénéfique de la baisse des taux. »

Les actions, grandes gagnantes

Pour les épargnants, il y a peu de changement à attendre. Les livrets réglementés ne progresseront que modérément, car leur formule est indexée sur l’inflation, certes, mais aussi sur les taux courts, qui, eux, restent nuls. L’immobilier pourrait en revanche tirer son épingle du jeu, car qui dit retour de l’inflation dit revalorisation des loyers…

Les grandes gagnantes de ce nouveau paradigme seront probablement les actions, car une hausse des taux d’intérêt peut être synonyme d’une reprise de l’activité. En revanche, les fonds obligataires souffrent déjà, le cours des obligations étant inversement proportionnel à l’évolution des taux.

Quant à l’assurance-vie en euros, l’impact devrait être limité. La hausse des taux va rogner les plus-values latentes, mais elle permettra aussi aux assureurs de placer l’épargne dans de meilleures conditions de marché. Concrètement, les taux des assurances-vie vont continuer de s’éroder car les niveaux de rémunération restent bien supérieurs aux taux du marché.

Le scénario d’une hausse violente

En cas de remontée brutale des taux, en revanche, les épargnants pourraient être tentés de retirer leurs fonds pour les placer ailleurs. Mais en l’application de la loi Sapin 2, leur épargne pourrait rester bloquée pendant six mois. En outre, « ce phénomène n’a rien d’inéluctable », souligne Eric Bourguignon.

« On a déjà eu une expérience des hausses des taux en période courte en 1994, et à l’époque il n’y a pas eu d’arbitrages alors que les taux des emprunts d’Etat étaient sensiblement supérieurs aux rémunérations offertes par les contrats d’assurance-vie. » Les marchés obligataires et actions seraient en revanche beaucoup plus réactifs et pourraient prendre la forme d’un krach. Une hypothèse peu vraisemblable aujourd’hui compte tenu de l’interventionnisme de la BCE.