Les belles promesses de Galileo, le « GPS européen »
Les belles promesses de Galileo, le « GPS européen »
Editorial. Après un parcours semé d’embûches, la Commission européenne a lancé officiellement, jeudi, ce système de positionnement par satellite.
Editorial du « Monde ». Nul doute, le ciel inspire plus les Européens que la Terre. Après les succès de la gamme des avions Airbus, les lancements réussis sans interruption de la fusée Ariane et les exploits de la sonde Rosetta, voici Galileo. Jeudi 15 décembre, la Commission européenne a lancé officiellement ce système de positionnement par satellite.
Le concurrent du GPS américain offre ses premiers services, de géolocalisation et de datation. Ils monteront en puissance au fur et à mesure du déploiement de la constellation qui comptera en 2020 trente satellites, soit le double d’aujourd’hui, tous positionnés à 23 200 kilomètres de la planète bleue. L’investissement est conséquent, avec 13 milliards d’euros de fonds publics engagés par Bruxelles. Le prix à payer pour que l’Europe soit indépendante des Etats-Unis et dispose de son propre système, ce qu’ont déjà la Russie avec Glonass et la Chine avec Beidou.
Le parcours de Galileo a été parsemé d’embûches. Il a d’abord fallu que les Européens surmontent leurs propres divisions politiques lorsque le programme a été ébauché, en 1999, avec près de trente ans de retard sur les Etats-Unis. Briser le monopole américain ne faisait pas l’unanimité, entre les atlantistes que sont le Royaume-Uni ou les Pays-Bas et les partisans d’une autonomie de l’Europe emmenés par la France et l’Allemagne. Puis sont venus les différends d’ordre industriel, les questions sur l’équilibre public-privé et civil-militaire, la difficulté de trouver le financement, les problèmes de rentabilité.
Les efforts des partisans de Galileo n’ont évidemment pas été facilités par Washington, qui voyait d’un mauvais œil l’émergence d’un concurrent sérieux du GPS. Les pressions américaines contre Galileo se sont intensifiées après les attentats du 11-Septembre. En décembre 2001, le Pentagone, alors bastion néoconservateur, avertissait des risques que représenterait Galileo pour les systèmes de navigation militaires dépendant du GPS. Il fallut encore trois ans pour négocier un accord de compatibilité.
Un enjeu majeur
Malgré les six ans de retard sur le calendrier initial, les Européens sont convaincus que les avancées technologiques feront la différence. La précision est meilleure, dix fois supérieure à celle du GPS américain : moins d’un mètre contre dix mètres. Autre atout, contrairement à ses concurrents, le signal pourra être authentifié pour éviter les leurres. Cependant la montée en puissance du système européen est liée à la fabrication de puces permettant de recevoir ses signaux. Un enjeu majeur pour conquérir un marché en plein développement. Selon les prévisions de la Commission, les services liés à des systèmes de positionnement par satellite, qui représentent 10 % du produit intérieur brut européen, pourraient monter à 30 % en 2030 avec, en particulier, le développement de la voiture autonome et des objets connectés.
Galileo représente aussi un enjeu géopolitique considérable pour l’Europe. Programme civil, Galileo peut également être utilisé par le secteur de la sécurité et de la défense. Le scandale de la NSA, qui a révélé l’étendue planétaire de la surveillance électronique américaine, a mis en lumière la vulnérabilité de l’Europe : aujourd’hui, tous les géants de l’Internet sont américains. Les Européens ne sont pas maîtres des données qu’ils produisent. Il était urgent qu’ils disposent au moins de leur propre système de géolocalisation.