Joseph Kabila, le 15 novembre, devant le Parlement congolais, à Kinshasa. | JUNIOR KANNAH / AFP

Le président congolais, Joseph Kabila, a annoncé dans la nuit de lundi 19 à mardi 20 décembre, quelques heures avant la fin de son mandat, un nouveau gouvernement sans attendre les résultats de la médiation de l’Eglise catholique visant à sortir la République démocratique du Congo (RDC) de la crise politique.

La nouvelle est tombée à la télévision publique peu avant minuit. Auparavant, plusieurs quartiers de la mégapole congolaise, transformée en ville morte lundi, avaient résonné de concerts de sifflets et de tambours improvisés avec des casseroles, symboles du « carton rouge » qu’une coalition d’opposition a menacé d’infliger à M. Kabila, au pouvoir depuis 2001.

La formation du gouvernement est le fruit d’un accord conclu en octobre entre la majorité et une frange minoritaire de l’opposition, rejeté par la coalition du Rassemblement constituée autour de la figure de l’opposant historique Etienne Tshisekedi, 84 ans. Le nouveau cabinet est dirigé par un transfuge du parti de M. Tshisekedi (l’UDPS), Samy Badibanga, et fait entrer plusieurs ministres d’opposition ayant joué comme lui le jeu du « dialogue national » proposé par M. Kabila.

Etienne Tshisekedi appelle « à ne plus traiter avec Joseph Kabila »

Les détracteurs de M. Kabila l’accusent d’avoir torpillé le processus électoral et de vouloir instaurer une présidence à vie. La présidentielle qui devait avoir lieu cette année a été reportée sine die. Agé de 45 ans, M. Kabila, à qui la Constitution interdit de se représenter, entend se maintenir en fonctions dans l’attente de l’élection d’un successeur, en vertu d’un arrêt de la Cour constitutionnelle rendu en mai.

Après l’annonce de la formation du nouveau gouvernement, M. Tshisekedi a appelé ses concitoyens « à ne plus reconnaître » Joseph Kabila comme président de la République démocratique du Congo dans une vidéo mise en ligne sur YouTube :

« Je lance un appel solennel au peuple congolais à ne plus reconnaître l’autorité de M. Joseph Kabila, à la communauté internationale de ne plus traiter avec Joseph Kabila au nom de la République démocratique du Congo. »

Le 8 décembre, la Conférence épiscopale nationale du Congo avait lancé une médiation de la dernière chance pour réconcilier les partisans de l’accord d’octobre et ses détracteurs, afin d’ouvrir la voie à une période de transition politique jusqu’aux élections. En l’absence de la moindre avancée significative, les évêques avaient suspendu leur médiation samedi soir et annoncé une reprise des négociations pour mercredi.

Appels au calme de la communauté internationale

Craignant que la RDC, vaste Etat de 70 millions d’habitants ravagé par deux guerres entre 1996 et 2003, ne replonge dans une spirale de violence, la communauté internationale multiplie les appels au calme depuis des semaines.

A Kinshasa, bouillonnante mégapole de 10 millions d’habitants, la population a jugé prudent, lundi, de rester massivement chez elle : la plupart des commerces sont restés fermés et les rues désertes ou presque. Les principales villes du pays – Lubumbashi (Sud-Est), Kisangani (Nord-Est), Mbuji-Mayi (Centre) – ont également tourné au ralenti. A travers le pays, les réseaux sociaux ont été totalement ou partiellement bloqués, selon les opérateurs, depuis dimanche minuit sur ordre des autorités.

Le Bureau conjoint de l’Organisation des Nations unies aux droits de l’homme en RDC a recensé 74 arrestations dans le pays lundi alors que la police avait indiqué qu’elle ne tolérerait aucun rassemblement de plus de dix personnes.

Depuis 2011, date de la réélection de M. Kabila à l’issue d’un scrutin entaché de fraudes massives, plusieurs centaines de personnes ont été tuées dans des violences urbaines à caractère politique à Kinshasa ou ailleurs. Les dernières en date ont fait une cinquantaine de morts en septembre.