En Normandie, une route solaire au banc d’essai
En Normandie, une route solaire au banc d’essai
Par Pierre Le Hir
Ségolène Royal doit inaugurer, jeudi 22 décembre, un tronçon routier de 1 km recouvert de panneaux photovoltaïques. Une première, dont l’Etat a financé le coût de 5 millions d’euros
Test de route solaire à Tourouvre (Orne), en octobre 2016 | SOULABAILLE Y./WATTWAY
Après l’autoroute du soleil, voici la route solaire. Un tronçon long de 1 km, sur une voie départementale desservant la petite commune normande de Tourouvre-au-Perche (3 400 habitants), dans l’Orne, dont la chaussée a été recouverte de dalles photovoltaïques. Cette infrastructure doit être inaugurée, jeudi 22 décembre, par la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, qui en fait un exemple de la transition énergétique dans les territoires. Ce projet, sans précédent au monde par sa taille, suscite pourtant des critiques, en raison d’un rendement énergétique incertain et d’un coût élevé. Le financement, de 5 millions d’euros, a en effet été assuré par une subvention de l’Etat.
L’idée de déployer des panneaux solaires sur le réseau routier, afin de produire de l’électricité sans empiéter sur les surfaces agricoles ou les espaces naturels, n’est pas neuve. Voilà plus de dix ans, un couple d’Américains de l’Idaho, Scott et Julie Brusaw, avait ouvert la voie en créant la société Solar Roadways. Depuis, des initiatives similaires ont été lancées dans plusieurs pays, notamment à Berlin ou dans la banlieue d’Amsterdam. Mais, jusqu’ici, les expérimentations n’ont été réalisées que sur de très petites sections de route.
Le concept a changé d’échelle, avec le projet Wattway porté par l’entreprise de travaux publics Colas (groupe Bouygues) et l’Institut national de l’énergie solaire (INES), en association avec le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et l’université de Savoie. Au terme de cinq années de recherche et de tests menés en Vendée, dans les Bouches-du-Rhône et dans les Yvelines, la route solaire normande va constituer le véritable banc d’essai.
Sur 2 800 m2, des panneaux photovoltaïques en forme de dalles ont été collés sur l’asphalte. Au sein de ce revêtement, les feuilles de silicium générant le courant sont enrobées dans une résine protectrice qui, affirment les partenaires de Wattway, les rend « capables de supporter la circulation de tout type de véhicule, y compris les poids lourds », tout en assurant une bonne adhérence entre les pneus et la chaussée. Ces modules sont fabriqués par la société coopérative de production SNA, basée elle aussi à Tourouvre-au-Perche.
Fabrication de panneaux photovoltaïques par la société coopérative de production SNA, à Tourouvre, en novembre 2016. | CHARLY TRIBALLEAU / AFP
L’électricité produite rejoint le réseau de distribution local, via un raccordement direct. D’après la société Colas, une surface de 20 m2 suffit à approvisionner un foyer en électricité (hors chauffage) et 1 km de route équipée fournit l’équivalent de la consommation de l’éclairage public d’une ville de 5 000 habitants.
« La route solaire s’inscrit dans la transition énergétique : promesse de croissance verte, création d’emplois, innovation », s’était félicitée Ségolène Royal lors du lancement du chantier, en octobre. Un peu vite, elle avait alors annoncé que la production attendue était de « 17 963 kilowattheures (kWh) par jour », avant de rectifier sur le site internet du ministère, qui ne fait plus état que de « 790 kWh par jour », soit vingt-deux fois moins.
« Gadget »
Ce sont bien les performances de cette infrastructure, au regard de son coût, que mettent en cause certains experts. « Il s’agit sans doute d’une prouesse technique, mais, pour développer les renouvelables, il y a d’autres priorités qu’un gadget dont on est certain qu’il est très cher sans être sûr qu’il marche », pense Marc Jedliczka, vice-président du Réseau pour la transition énergétique (CLER) et directeur général de l’association Hespul, spécialisée dans le photovoltaïque.
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Le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), Jean-Louis Bal, réserve quant à lui son jugement sur la viabilité du procédé : « Quels seront son coût, sa productivité et sa durée de vie ? Pour l’instant, je n’ai pas les réponses. »
A 5 millions d’euros le kilomètre, la perspective, envisagée par la ministre, de paver de silicium 1 000 km de routes exigerait d’y consacrer 5 milliards d’euros. Cela, alors que le prix du watt-crête (puissance maximale) raccordé se monte, pour l’actuelle route solaire, à 17 euros contre seulement 1,30 euro pour le photovoltaïque posé en grande toiture, et moins de 1 euro pour les installations au sol.
Le site normand est un démonstrateur. A terme, les promoteurs de Wattway espèrent se rapprocher des coûts de production du solaire classique, pour pouvoir passer à la commercialisation de leur procédé. Pour l’heure, ils ont en portefeuille une centaine de petits projets de tronçons photovoltaïques expérimentaux, dont une moitié en France et l’autre à l’étranger.