Négociations sur l’assurance-chômage : Gattaz n’écarte plus une reprise en main par l’Etat
Négociations sur l’assurance-chômage : Gattaz n’écarte plus une reprise en main par l’Etat
Par Sarah Belouezzane
Le Medef est soupçonné d’attendre l’élection présidentielle et une arrivée potentielle de la droite au pouvoir pour obtenir une convention plus favorable au patronat.
C’est à n’y rien comprendre. Quelques semaines après avoir appelé les partenaires sociaux à établir un « diagnostic » de l’assurance-chômage en vue d’un potentiel redémarrage des négociations pour la rédaction d’une convention, voilà que Pierre Gattaz brouille de nouveau les pistes. Invité mardi 20 décembre sur BFM Business, le président du Medef a déclaré ne pas exclure une reprise en main de la situation par le gouvernement :
« Si nous ne sommes pas capables, en tant que partenaires sociaux, de prendre nos responsabilités pour améliorer ce problème de l’assurance-chômage, je ne suis pas contre [le fait] que quelqu’un reprenne la main. »
Et de poursuivre : « Ce n’est pas ma priorité, ce n’est pas ce que je préfère, mais je dirais qu’à un moment il faut savoir ce qu’on veut. Il faut réformer la France et on n’a pas des années pour réformer la France. » Le ton est donné.
Dette abyssale
Gestionnaires à part égale de l’Unédic, l’organisme qui administre le régime de l’assurance-chômage, syndicats et patronat doivent se retrouver tous les deux ans pour décider d’une convention le régissant. Mais le rendez-vous a été manqué en juin 2016 : les négociations ont achoppé sur la question de la taxation des contrats courts, réclamée par les syndicats et refusée par le Medef. Une situation qui a obligé le gouvernement à prolonger la convention fixée en 2014, au risque de ne pas aboutir au redressement financier d’une institution déficitaire qui traîne une dette abyssale (30 milliards d’euros). Pour autant, l’Etat a le pouvoir de reprendre la main et d’établir un nouveau texte quand il le souhaite.
C’est justement pour éviter cet écueil que les partenaires sociaux ont décidé de se réunir les prochains mois afin d’établir un diagnostic de la situation et chercher « d’éventuels points d’accord qui permettraient à tout le monde de se remettre autour de la table et de trouver un accord », explique une source au Medef. Une fois ces réunions thématiques tenues, les partenaires sociaux devront décider, dès le 15 février 2017, d’un éventuel retour à la table des négociations.
Or, la sortie du patron des patrons entretient le doute sur une potentielle issue favorable aux discussions. « Pierre Gattaz dit tout et son contraire, s’étonne Véronique Descacq, chef de file des négociations pour la CFDT. On nous a assuré que nous nous mettions tous autour de la table avec pour objectif de trouver une solution dans le cadre du paritarisme. Ses propos [de mardi] sont irresponsables. »
« Redonner la main à l’Etat »
D’autant que certains soupçonnent le Medef de jouer la montre, attendant l’élection présidentielle de 2017 et une arrivée potentielle de la droite au pouvoir pour obtenir une convention plus favorable au patronat.
« Au Medef, il y a toujours deux camps : ceux qui sont pour le paritarisme et ceux qui veulent profiter de l’élection pour redonner la main à l’Etat et obtenir ce qu’ils veulent », explique Michel Beaugas, secrétaire confédéral chargé de l’emploi chez FO.
Au siège du Medef, on se veut bien plus nuancé : « Tout le monde, y compris nous, a intérêt à ce que la convention régissant l’assurance-chômage soit élaborée et signée par les partenaires sociaux, explique-t-on. Nous savons très bien que l’Unédic ne sera pas la priorité du candidat s’il est élu. » Pour autant, poursuit cette source, « si nous n’y arrivons pas, il faut être prêt à cette éventualité ».
Sans donner de nom, M. Gattaz a, pour sa part, décrit la personne qui pourrait justement se charger de rédiger la convention le cas échéant : « Il faut quelqu’un de pragmatique bien sûr, qui fasse les réformes courageusement, qui les ait annoncées à nos compatriotes dans l’élection (…), qui ait donné du sens à ces réformes. » Un portrait-robot qui, vu du Medef où sa cote est élevée, ressemble à s’y méprendre à François Fillon.