Un épais nuage de pollution s’abat sur la Chine
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Les pollueurs vont payer : la Chine s’est dotée d’une loi taxant les émissions polluantes des activités industrielles, une première du genre. Une semaine après un épisode de pollution extrême dans tout le nord du pays, le Parlement chinois, chambre d’enregistrement des décisions du gouvernement, a voté dimanche 25 décembre une taxe sur les rejets de polluants dans l’air, l’eau, le sol, ou encore sur la pollution sonore. Mais ni le dioxyde de carbone (CO2), principal responsable du réchauffement de la planète, ni les déchets nucléaires ne sont concernés. La taxe sera appliquée à partir de janvier 2018.

Pour l’industrie lourde, les mines de charbon ou les centrales thermiques, la taxe sera un coût supplémentaire. Elles devront par exemple payer 12 yuans (1,65 euro) par 0,95 kg de dioxyde d’azote ou de soufre rejeté, des polluants atmosphériques particulièrement nocifs. Les mines seront taxées à hauteur de 15 yuans par tonne de déchets, et jusqu’à 1 000 yuans pour une tonne de déchets « dangereux ». Les centrales thermiques paieront quant à elles 25 yuans par tonne de cendres. La mesure pourrait rapporter 30 milliards de yuans par an, selon le ministère de l’environnement.

« Concilier différents intérêts »

Annoncé depuis plus de trois ans, le texte a fait l’objet d’âpres débats, notamment entre les ministères de l’environnement et de l’industrie, mais aussi entre les gouvernements locaux, quant à l’allocation des bénéfices de cette taxe. Les puissants lobbys industriels (sidérurgie, charbon, ciment…) ont aussi alerté sur le risque de perte de compétitivité, alors que leurs secteurs sont déjà soumis à un plan de réduction de leurs surcapacités.

Le ministre de l’environnement, Chen Jining, s’en était défendu lors d’une présentation du texte cette année : « Le but n’est pas d’augmenter les taxes, c’est d’améliorer le système et d’encourager les entreprises à réduire leurs émissions : plus elles émettent, plus elles paient, et moins elles émettent, moins elles paient. »

Les avis divergent sur l’efficacité de la taxe. Shi Lei, professeur de politique industrielle et environnementale à l’université Tsinghua de Pékin, parle de « tournant » par rapport à l’ensemble des charges qui s’appliquaient auparavant à la discrétion des autorités locales, souvent complaisantes. « C’est un message clair aux industries : vous changez, ou vous êtes morts », assure-t-il dans les colonnes du quotidien hongkongais South China Morning Post.

Mais l’ONG Greenpeace estime que la taxe est trop faible pour avoir un impact. Le coût du kilowattheure issu du charbon augmentera de 0,004 yuan, selon les calculs de l’ONG, alors que son coût pour l’environnement est estimé entre 0,1 et 0,3 yuan. « La loi reste un progrès significatif pour s’attaquer à la pollution, nuance Yuan Ying, directrice adjointe de Greenpeace en Chine. D’abord parce qu’il n’était pas facile de concilier différents intérêts entre les pouvoirs locaux et nationaux et les divers départements. Ensuite parce que, selon la loi adoptée, les gouvernements locaux seront les bénéficiaires des revenus fiscaux : cela va encourager une surveillance et un contrôle local plus efficace. »

L’adoption du texte marque un changement d’attitude des autorités chinoises à l’égard de la pollution, après des années de déni où la croissance économique était le seul objectif. En mars 2014, le premier ministre chinois, Li Keqiang, affirmait que la Chine était « en guerre contre la pollution ». Depuis, les performances environnementales entrent en compte dans l’évaluation des officiels locaux.

Après la vague de pollution atmosphérique intense qui a touché un tiers de la population chinoise du 16 au 21 décembre, clouant des avions au sol tant la visibilité était faible, le président chinois, Xi Jinping, a appelé à « utiliser les énergies propres autant que possible » pour le chauffage dans le nord de la Chine. Il a cité le gaz naturel ou l’électricité.

La Chine toujours plongée dans un épais brouillard de pollution
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A Pékin, l’adoption progressive de chaudières à gaz pour remplacer les centrales à charbon a déjà permis de réduire la concentration dans l’air des produits les plus toxiques, comme l’arsenic, le plomb ou le cadmium, d’après Greenpeace.