Germain Louvet dans « Roméo et Juliette » à l’Opéra Bastille en mars 2016. | Opéra de Paris

Des applaudissements si longs, si intenses qu’ils ont entraîné une standing ovation de plus de quinze minutes ! Ce coup de chaud énorme – surtout lorsqu’il s’agit des 2700 spectateurs de l’Opéra Bastille – a salué, jeudi 28 décembre, la nomination de Germain Louvet au rang de danseur étoile. A la fin de sa performance dans le rôle du Prince Siegfried du Lac des Cygnes, sont soudain apparus sur le plateau Stéphane Lissner, directeur de l’Opéra national de Paris, et Aurélie Dupont, directrice de la Danse, pour annoncer, comme le veut la tradition, que Louvet, 23 ans, avait décroché le grade ultime dans la compagnie.

Cette marche la plus haute de la hiérarchie, le jeune interprète l’a d’abord savourée avec ses partenaires, les étoiles Ludmilla Pagliero et Karl Paquette, tous les deux impressionnants, avant de se retrouver seul devant le public. Un feu d’artifice de sensations qui est toujours un moment magique à vivre en direct. « J’ai été en état de choc un petit moment, raconte-t-il. C’est une tempête d’émotions à laquelle on ne s’attend jamais. J’ai dansé Siegfried pour la première fois le 25 décembre et pour cette seconde représentation, j’étais assez stressé au début avant de réussir à vivre l’histoire profondément ».

Un interprète ajusté

Ce héros mal dans sa peau qu’est Siegfried dans la version du Lac des Cygnes de Rudolf Noureev n’est pas une mince affaire. Sous l’emprise de sa mère, de son précepteur Wolfgang, de sa position, de ses états d’âmes, ce portrait de jeune homme secoué a trouvé en Germain Louvet un interprète ajusté. Technique solide et limpide, vision artistique encore à l’affût des nuances d’un personnage périlleux à incarner, il s’est imposé tranquillement. « Le fait que je sois nommé étoile avec ce rôle a beaucoup de sens pour moi car c’est un des premiers dans lequel je me suis projeté, précise-t-il. Je me suis ensuite identifié à certains danseurs qui l’ont interprété ici avant moi comme Laurent Hilaire, Nicolas le Riche ou Manuel Legris ».

Le parcours de Germain Louvet possède un tracé droit et clair. Premiers cours à sa demande dès l’âge de 4 ans, à Givry, en Bourgogne. Quatre ans plus tard, il intègre le Conservatoire de Châlon-sur-Saône, puis dans la foulée l’école de l’Opéra national de Paris. Il a 12 ans et enchaîne, intégrant le corps de ballet en 2011. Depuis, il a multiplié les apparitions dans des pièces-phares comme Roméo et Juliette de Noureev, AndréAuria d’Edouard Lock ou encore Les Variations Goldberg de Jerome Robbins. « C’est vrai que tout est arrivé avant même que je l’attende, commente-t-il avec franchise et lucidité. Je n’ai aucune frustration, que du plaisir et de l’envie.»

Mannequin

Parallèlement à sa carrière de danseur, il joue aussi parfois les mannequins et pose pour des photographes. Des atouts parallèles qu’il cultive selon ses disponibilités, surfant sur la vague glamour qui emporte actuellement l’art chorégraphique sur tous les fronts. « Notre génération a beaucoup de chance que la danse devienne une sorte de phénomène de mode, glisse-t-il. A l’illusion que donnent certaines émissions de télé que l’on peut devenir star rapidement répond le fait que notre métier exige un vrai travail quotidien à long terme. Par ailleurs, je trouve génial que nous puissions nous épanouir en ouvrant notre champ d’action. »

Germain Louvet est « la première étoile d’Aurélie » comme il le dit très joliment. Un signe fort pour celui qui a vraiment compris grâce à elle « ce qu’est un soliste, le fait de porter un ballet, la transmission...» il y a deux ans lors de sa prise de rôle dans Casse-Noisette. « Nous avons travaillé pendant deux mois. Cette rencontre a été un déclic et je suis très fier d’avoir été nommée par elle ».