L’année 2017 sera tendue pour Taïwan. La présidente Tsai Ing-wen a demandé au ministère des affaires étrangères de revoir tous les programmes d’aides suite à la défection surprise de Sao Tomé et Principe le 21 décembre.

« Il nous reste vingt et un alliés, nous devons les choyer », a déclaré la présidente taïwanaise.

Plusieurs réunions de crise ont eu lieu ces derniers jours et les diplomates taïwanais se démènent pour sauver les positions en Afrique où Taipei se trouve fragilisé.

Le dernier pays à avoir changé de camp était la Gambie, qui avait rompu avec Taiwan en 2013, mais ne fut reconnue par la Chine communiste qu’en mars dernier. Pékin ayant pris soin à l’époque de ménager le président taïwanais Ma Ying-jeou.

Mais les temps ont changé et les positions se durcissent entre la Chine continentale et l’actuelle présidente alors qu’un coup de téléphone à Donald Trump a ravivé les tensions entre les deux rives du Détroit.

Le bouillant milliardaire a rompu avec quatre décennies de politique américaine en prenant un appel téléphonique de la présidente taïwanaise alors que la Chine interdit tout contact officiel entre ses partenaires étrangers et des dirigeants de Taïwan.

L’affaire provoque des remous jusqu’en Afrique où en un tour de vis diplomatique la Chine a arraché Sao Tomé au club des rares Etats du monde qui reconnaissent le gouvernement rival de Taïwan.

Treize alliés en 1995

Seuls deux pays africains reconnaissant encore Taiwan, le Swaziland et le Burkina Faso. Ils étaient treize en 1995 !

Le Burkina est sans doute le pays le plus courtisé par la Chine et le plus important allié de Taiwan sur le continent.

Très proche de l’ancien président Blaise Compaoré qui s’est rendu dix fois en visite officielle à Taïwan depuis le rétablissement en 1994 des relations diplomatiques, Taipei marche sur des œufs avec l’actuel chef d’Etat, Michel Kafando qui ne s’est jamais déplacé sur l’île nationaliste, se contentant d’y envoyer en juin dernier le président de l’Assemblée nationale, Salifou Diallo.

Les chancelleries du Burkina et de Taipei assurent que les relations sont toujours au beau fixe mais Ouagadougou serait une prise de guerre de poids pour la République populaire de Chine.

Au Burkina, les investissements chinois notamment dans le secteur minier sont de plus en plus importants et visibles. Ils pourraient faire un jour pencher la balance en faveur de Pékin. C’est la raison pour laquelle lors de la dixième Commission mixte de coopération Burkina Faso-Taiwan qui s’est tenue en décembre, Taipei a promis de nouveaux investissements au Burkina qui profite désormais de son statut particulier dans ce jeu de go diplomatique opposant Taipei et Pékin.

Pour Sao Tomé en revanche, l’affaire a été prestement menée. En novembre 2013, Pékin ouvrait dans la capitale un bureau de liaison et mettait en place un embryon de coopération économique.

En 2014, la Chine était déjà le troisième plus gros exportateur à Sao Tomé selon les chiffres de la Banque mondiale.

Une semaine après l’annonce du revirement de Sao Tomé, le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Yi, recevait en grande pompe à Pékin son homologue Urbino Botelho. Ce dernier affirmant à longueur d’interviews en Chine que « c’est le meilleur choix pour son pays » et que « la puissance économique chinoise joue un rôle de plus en plus important en Afrique ». Il s’est même excusé à demi-mot au nom de son gouvernement d’avoir reconnu Taiwan depuis 1997. « Nous offrons des conditions excellentes aux entreprises chinoises qui viendront s’installer chez nous », a déclaré le chef de la diplomatie de cette ancienne colonie portugaise.

Plus prompt à réagir que lors de l’affaire gambienne, Taipei a mis en cause la « diplomatie du carnet de chèque ». Accusant Sao Tomé d’avoir monnayé son changement d’allégeance. Taiwan affirme avoir refusé de renflouer les caisses du pays en accordant une aide de 215 millions de dollars. Sao Tomé dément et le porte-parole de la diplomatie chinoise, Hua Chunying, déclarait le 22 décembre que la « Chine ne monnaye pas sa reconnaissance » et qu’« aucune somme n’a été versée à Sao Tomé ».

Pourtant, Pékin a immédiatement promis de venir en aide financièrement à cet Etat insulaire dont l’économie est largement dominée par l’exportation du cacao mais offre des perspectives alléchantes dans la production de gaz et de pétrole dans le golfe de Guinée. La construction d’un port en eau profonde est déjà planifiée. Un investissement de 400 millions de dollars financés par Pékin.

Punir Taïwan

« Pour Pékin il s’agit d’abord de punir Taiwan, explique le professeur Zhong Houtao, expert chinois des questions taïwanaises. L’élection de Trump oblige la Chine à agir vite et fort. Le poids de la Chine en Afrique explique que les derniers alliés taiwanais sur le continent se tournent maintenant vers Pékin ».

Pour l’heure, ce sont les soixante-huit étudiants boursiers de Sao Tomé à Taiwan qui font les frais de cette diplomatie et devront rentrer au pays. Parmi eux deux étudiants au statut particulier : la fille et le fils du président Carvalho, dont la femme, ironie de l’histoire, est… Taiwanaise.