Avec ses 150 millions de dollars de budget, La Grande Muraille, du réalisateur chinois Zhang Yimou, avec Matt Damon, est le film le plus cher jamais tourné en Chine. Sorti le 16 décembre 2016 dans le pays, il a connu un succès honorable, récupérant en quelques semaines seulement la mise avancée. Il est à l’affiche en France à partir du mercredi 11 janvier et sortira aux États-Unis en février. Il s’agit d’une coproduction sino-américaine, montage financier très prisé puisqu’il permet de contourner les quotas imposés aux films étrangers en Chine (davantage taxés et dont le nombre de sorties est restreint).

Pour plaire au public des deux continents, les producteurs ont donc misé sur un acteur célèbre en Occident et sur un réalisateur dont Hero (2002) et Le Secret des poignards volants (2004) ont été des succès aux box-offices chinois et américains.

Dans le film La Grande Muraille, une épopée qui se déroule pendant la dynastie Song (960-1279), tout donne une image flatteuse de la Chine. Au point que certains l’ont décrit comme un clip touristique survitaminé.

Chauvinisme à grand spectacle

« C’est la cérémonie des Jeux olympiques sur la Grande Muraille ! », a raillé un message posté sur Weibo (le Twitter chinois) qui a beaucoup circulé, allusion à la mise en scène par le même Zhang Yimou de la spectaculaire cérémonie d’ouverture des JO de Pékin, en 2008.

« Le vrai héros et le sauveur du film, [ce sont] donc les vertus chinoises du courage, de l’abnégation et de la discipline. » Extrait du « Global Times »

Avant même la sortie du film, des internautes avaient dénoncé le personnage de Matt Damon comme un cas de whitewashing – la propension d’Hollywood à « blanchir » les représentants d’ethnies non-occidentales. Mais, en réalité, le comédien joue un Anglais. Mercenaire sans morale cherchant à voler la recette de la poudre explosive, il aide les armées chinoises à repousser des hordes de monstres lancés à l’assaut de la Grande Muraille. Le Global Times, quotidien chinois ultranationaliste, ne s’est pas trompé quant à la dimension chauvine du film : « Inspiré par l’esprit de sacrifice et la discipline des troupes [chinoises], [Matt Damon] reçoit l’enseignement d’une femme générale qui lui apprend le principe de la confiance. Le vrai héros et le sauveur du film, [ce sont] donc […] les vertus chinoises du courage, de l’abnégation et de la discipline », lit-on dans une tribune du 20 décembre.

La Grande Muraille est le premier projet de Legendary East, filiale de l’entreprise américaine Legendary Entertainment (productrice de Batman Begins, Interstellar, Very Bad Trip…), créée en 2011 à Hongkong pour investir le marché chinois. Depuis cette date, ce même marché est devenu le deuxième du monde (derrière les États-Unis), passant de 2 milliards de dollars de recettes annuelles en 2011 à 6,7 milliards en 2015. De quoi motiver des partenaires chinois à soutenir à hauteur de 30 % le financement du film – une participation « impensable » il y a encore peu, confiait Peter Loehr, le PDG de Legendary East au New York Times.

Matt Damon incarne un mercenaire anglais dans cette épopée à la gloire de la Chine. | Universal Pictures

Début 2016, dans un retournement symptomatique des pions que la Chine dispose dans l’échiquier culturel mondial, Legendary Entertainment, la maison mère, a été gobée par le producteur et distributeur chinois Wanda pour 3,5 milliards de dollars.

Aujourd’hui, le défi de La Grande Muraille est de voir son succès s’étendre au-delà des frontières. De séduire l’Europe et, surtout, les États-Unis. Un coup double n’a pour l’instant jamais eu lieu pour une coproduction entre les deux pays – à l’exception de Kung Fu Panda 3, en 2016, mais le film d’animation était issu d’une franchise 100 % américaine. « Même en cas d’échec, la tendance dominante est qu’une grande quantité de coproductions entre la Chine et le reste du monde continuera d’avoir lieu », note Vincent Fischer, un Français qui développe des partenariats financiers avec l’Europe. « D’autres producteurs tenteront le coup, le marché chinois est devenu tel qu’il n’y aura pas de retour en arrière. »

La bande annonce de « La Grande Muraille », en salles le 11 janvier.

LA GRANDE MURAILLE (Matt Damon, 2017) - NOUVELLE Bande Annonce VF / FilmsActu
Durée : 03:49