Le 6 janvier 2016, des fleurs et des messages déposés en hommage aux victimes de l’Hypercarcher, tuées par Amedy Coulibaly, le 9 janvier 2015 à Vincennes. | © Charles Platiau / Reuters / REUTERS

À l’entrée d’une tente, porte de Vincennes, une banderole : « Yoav, Yohan, Philippe, François-Michel, victimes de la haine antijuive ». A l’intérieur, ce 9 janvier, des pancartes commémorent l’attentat de l’Hyper Cacher qui a eu lieu deux ans auparavant et dans lequel quatre personnes ont perdu la vie sous les balles du terroriste Amedy Coulibaly.

Philippe Braham, Yohan Cohen, Yoav Hattab et François-Michel Saada ont tous les quatre leur portrait, des fleurs, des bougies. D’autres pancartes rendent hommage aux autres attaques qui ont endeuillé la France par la suite : Nice, Paris, Saint-Denis. Le quartier, lui, est bouclé par des forces de l’ordre.

Deux ans après les attentats de janvier 2015, qui ont tué 17 personnes au sein du journal Charlie Hebdo, à Montrouge et dans le magasin Hyper Cacher de Vincennes, les hommages aux victimes des attaques terroristes qui ont frappé la région parisienne se poursuivent.

Lundi soir, la cérémonie d’hommage devant l’Hyper Cacher – organisée par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) – était fermée au public. Elle s’est tenue en présence des familles et proches et victimes, ainsi que du ministre de l’intérieur, Bruno Le Roux et d’autres responsables politiques et religieux, dont le grand rabbin de France, et le président du Conseil français du culte musulman, Anouar Kbibech, qui a tenu à « représenter le culte musulman ». « Nous disons aux familles que l’essentiel est qu’ils sachent que nous n’oublions pas », a déclaré pour sa part le ministre en quittant les lieux.

« Je n’ai toujours pas réalisé »

Yoram, ami d’une des victimes, décrit une cérémonie « très émouvante » ; « des bougies et des livres étaient mis à la disposition » des familles et des représentants politiques. Après la cérémonie, la tente a été ouverte au public souhaitant se recueillir. Yoram a alors retrouvé plusieurs amis, sa « bande de potes ». Celle de Yohan Cohen, mort à 20 ans dans l’attentat. Comme lui, ils viennent de Sarcelles. Ils expliquent que tous les 9 du mois, certains d’entre eux viennent se recueillir ici. « On a notre groupe, et ceux qui veulent viennent se recueillir », ajoute Mickaël Setruk, un autre de la « bande ».

Yohan Cohen aimait beaucoup le foot alors, presque naturellement, ses amis réunis devant la tente commencent à parler du jeu vidéo FIFA. Puis l’un d’eux confie qu’il n’a « toujours pas réalisé ». Un autre, se demande s’il pourra un jour rentrer à nouveau dans l’Hyper Cacher.

Qu’est-ce qui a changé en deux ans ? Tous répondent en même temps, se coupent la parole. Beaucoup disent ne plus se sentir en sécurité, hésiter à porter la kippa dans la rue. « Il y a de plus en plus de juifs qui sont partis en Israël », assure Steven Taïeb, la vingtaine. Lui-même a fait son alya (l’immigration en Terre sainte) « il y a deux ans » avant de revenir à cause d’une blessure à la jambe qui l’a empêché de rejoindre l’armée. Aujourd’hui, il se sent plus en sécurité en Israël qu’en France. L’antisémitisme, « je ne le ressentais pas à l’école », avance un de ses amis.

Aujourd’hui, le président du CRIF, Francis Kalifat, veut « rappeler que ces quatre victimes sont des victimes de la haine antijuive ». Sacha Ghozlan, président de l’Union des étudiants juifs de France, veut lui aussi souligner « le caractère antisémite de l’attentat ». Après « une période difficile » après la mort d’Ilan Halimi et l’attentat de Mohamed Merah dans une école juive à Toulouse, les attentats de novembre « ont [montré] que c’est l’ensemble de la France qui est menacée », poursuit le président du CRIF.

Lundi, la secrétaire d’Etat chargée de l’aide aux victimes, Juliette Méadel, a révélé au Monde que 202 victimes des attentats de janvier 2015 avaient été recensées au total par la section antiterroriste du parquet de Paris. Parmi elles, des personnes non directement impliquées mais choquées (témoins situés à l’extérieur) et 98 « victimes impliquées », notamment des proches des victimes, a expliqué la secrétaire d’Etat.