Un nouveau scénario pour la formation de la Lune
Un nouveau scénario pour la formation de la Lune
Par Pierre Barthélémy
D’après une étude publiée lundi dans « Nature Geoscience », notre satellite est né de l’agrégation de débris après le bombardement de la Terre par plusieurs mini-planètes.
Elle sera pleine le 12 janvier, sous forme de dernier quartier le 19, nouvelle le 28… Même si les astronomes peuvent déterminer ses éphémérides des siècles à l’avance, la Lune, métronome de nos mois et de nos années, n’a pas toujours accompagné la Terre. Notre planète est née sans elle, et sans elle a vécu sa prime enfance. Il a fallu attendre plusieurs dizaines de millions d’années après le début de la formation du Système solaire pour que la Terre gagne son satellite.
Toute la question est de savoir comment la Lune est apparue car, aujourd’hui encore, son origine exacte demeure énigmatique. Certes un scénario domine, celui dit de l’impact géant, proposé en 1975. Pour le comprendre, il faut se représenter une proto-Terre dans un Système solaire jeune et turbulent voire violent, loin d’être encore stabilisé, où des embryons de planètes errent çà et là. Et, dans ce jeu de billard cosmique, imaginer la collision phénoménale entre un de ces planétoïdes, de la taille de Mars, et notre proto-Terre. A la suite de ce choc cataclysmique, une quantité énorme de matériaux issus du projectile (on parle aussi d’« impacteur ») mais également arrachés à la Terre se retrouve en orbite dans un disque de débris incandescents qui finissent par s’agréger et donner naissance à un nouveau corps, la Lune.
La plausibilité de cette hypothèse a au fil des années été confirmée par des simulations numériques. Le scénario de l’impact géant a le mérite d’être simple et de « coller » avec beaucoup d’éléments connus du système Terre-Lune, et notamment sa dynamique. Mais il y a un hic. L’étude des roches rapportées de notre satellite entre 1969 et 1972 à l’occasion du programme américain Apollo a montré que leur composition isotopique était quasiment identique à celle des roches terrestres. Or les cailloux lunaires sont censés contenir en grande majorité des éléments apportés par l’impacteur et il faudrait un hasard assez extraordinaire pour que leur composition isotopique soit la même que celle des éléments agrégés sur la Terre lors de sa naissance. Cette concordance n’existe en effet pas avec les roches martiennes ou celles issues d’astéroïdes…
Collisions multiples
La solution pour résoudre ce problème serait d’envisager que l’essentiel des matériaux à partir desquels Séléné s’est constituée provienne de la Terre et non pas du projectile qui l’a percutée. Mais, pour ce faire, il faudrait une collision si particulière qu’elle en devient improbable aux yeux des astronomes, qui n’apprécient en général pas trop les scénarios ad hoc. D’où l’idée que vient d’avoir une équipe israélienne de s’intéresser sérieusement à une autre hypothèse, émise dans les années 1980 : celle de collisions multiples avec des planétoïdes plus petits.
L’étude de ces chercheurs a été publiée lundi 9 janvier par Nature Geoscience. L’idée principale de l’équipe emmenée par Raluca Rufu (Weizmann Institute of Science, à Rehovot) consiste à dire que, si des corps de taille relativement modeste ont heurté la proto-Terre dans son enfance, ces impacts de moindre envergure ont envoyé majoritairement dans l’espace des roches issues du manteau terrestre. Celles-ci s’y sont agrégées en petites lunes successives, lesquelles ont ensuite fini par se fondre en une seule. Les centaines de simulations menées à l’occasion de ce travail montrent que le « problème isotopique » peut, dans de nombreux cas, être résolu.
Tout n’est cependant pas idéal avec ce scénario. Ainsi que l’explique Gareth Collins, qui travaille à l’Impact and Astromaterials Research Center de l’Imperial College (Londres) et qui signe, toujours dans Nature Geoscience, un article commentant l’étude israélienne, l’hypothèse des collisions multiples a elle aussi quelques sérieux défis à relever. Il signale notamment qu’elle nécessite une vingtaine d’impacts pour construire un satellite aussi gros que la Lune et obtenir une fusion parfaite entre toutes les mini-lunes.
« Si, comme il semble probable, la fusion est imparfaite ou si des mini-lunes sont perdues, écrit Gareth Collins, beaucoup plus d’impacts pourraient être requis, ce qui rendrait par conséquent la nécessaire séquence d’événements encore moins probable que n’importe lequel des scénarios exotiques à un seul impact. » Le verdict sur la formation de la Lune est donc encore loin d’être rendu.