Pour une « utopie réaliste »
Pour une « utopie réaliste »
Six économistes, politologues, philosophes, proposent de renouer avec l’ambitieux projet progressiste de l’édification du « bien commun », en rupture radicale avec la tiédeur du débat économique actuel au sein de la gauche.
A l’approche de la primaire de la gauche, les 22 et 29 janvier, « Le Monde Economie & Entreprises » publie plusieurs textes d’économistes, sociologues, philosophes, prônant un renouvellement des idées progressistes plus radical que les programmes économiques des candidats. Ils refusent ainsi de renoncer à un projet visant « le bien de l’humanité » et renouent avec les « utopies réalistes » qui ont si longtemps été le marqueur idéologique de la gauche.
– Andy Smith, politologue à l’université de Bordeaux, rappelle que les choix de politique économique ne sont pas dictés par la « fatalité » de la mondialisation, mais par des « valeurs » que l’action politique peut remodeler dans un sens plus favorable aux valeurs d’égalité, de liberté et d’équilibre écologique.
– Pour Sandrine Roudaut, essayiste et auteure de L’Utopie, mode d’emploi (2014), les résistances individuelles ou communautaires à la société inégalitaire sont légion, et sont à tout moment susceptibles de se cristalliser en mouvement politique libérateur.
– Selon l’économiste Mathieu Detchessahar (Université de Nantes), il est fondamental de renverser le cadre idéologique de la science économique, en posant la question fondamentale de la participation des activités de production au bien commun, à la construction d’un monde « bon » pour les hommes et leur épanouissement.
– Yannick Rumpala, politologue (Université de Nice), les technologies permettent aux habitants des villes de se réapproprier les moyens de produire localement ce dont ils ont besoin et d’échapper ainsi à leur destin de simple « consommateur » de la promesse technocratique des « smart cities ».
– Elisabeth Laville et Arnaud Florentin (Utopies, cabinet de conseil en développement durable), il faut rompre avec une « économie de l’absurde » qui voit les territoires exporter ce qu’ils produisent et importer ce qu’ils consomment, et augmenter le degré d’autonomie vis-à-vis des circuits inégalitaires et pollueurs de la production mondialisée.
– L’économiste Hervé Defalvard (Université Paris-Est Marne-la-Vallée) propose que les « ressources fondamentales » (éducation, santé, logement, emploi, culture, mobilité, alimentation, énergie) soient produites de façon locale et communautaire, échappant ainsi à la propriété privée comme à l’Etat.
- Selon les économistes Thomas Lagoarde-Segot et Bernard Paranque (Kedge Business School et Université d’Aix-Marseille), d’innombrables expérimentations témoignent de la volonté de certains acteurs de faire vivre, à leur échelle, une autre économie, assise sur des fondements éthiques. Il reste à les fédérer, et à leur donner un langage commun.