Le très bon bilan économique d’Angela Merkel
Le très bon bilan économique d’Angela Merkel
LE MONDE ECONOMIE
Le PIB de l’Allemagne a progressé de 1,9 % en 2016, sa plus forte croissance depuis 2011, selon les chiffres publiés, jeudi, par l’institut Destatis. Mais les économistes soulignent le manque d’investissements.
Une chose est sûre : si Angela Merkel s’apprête à se lancer dans une campagne électorale difficile, ce ne sera pas à cause de son bilan économique. Onze ans après sa prise de fonctions comme chancelière, l’Allemagne affiche une vigueur à faire pâlir la plupart de ses voisins. Selon les chiffres publiés jeudi 12 janvier par l’institut de statistiques Destatis, l’économie du pays a progressé de 1,9 % en 2016, conformément aux prévisions des analystes. C’est la plus forte progression depuis 2011.
Pour la dirigeante, tous les indicateurs sont au vert. Après un léger ralentissement au troisième trimestre, la machine allemande est fortement repartie en fin d’année grâce à une hausse des commandes industrielles. Le mois de novembre a offert un nouveau record sur le plan du commerce extérieur : les exportations ont bondi de 5,6 % par rapport au mois de novembre 2015, à 108,8 milliards d’euros de biens et services livrés à l’étranger ; les importations ont progressé de 4,5 % sur la même période, permettant au pays d’afficher une impressionnante progression de l’excédent de la balance commerciale à 22,6 milliards d’euros, contre 20,5 il y a un an.
Davantage de propriétaires
Même si elle s’en inquiète, l’Allemagne n’a pas encore été affectée par les nuages qui obscurcissent le ciel du libre-échange. Ni le Brexit ni l’élection de Donald Trump n’ont pour l’instant pénalisé les carnets de commandes du made in Germany. Et le « dieselgate » n’a eu que peu de répercussions sur l’industrie automobile, si cruciale outre-Rhin. En 2016, Volkswagen a enregistré une progression de ses ventes de 3,8 %, à 10,3 millions de véhicules livrés, et Mercedes a pour la première fois vendu plus de 2 millions de véhicules dans le monde, après une progression de plus de 11 % par rapport à l’année précédente.
Sur le plan intérieur, l’activité a notamment été stimulée par un marché immobilier en plein essor. Deux éléments y concourent : l’arrivée des réfugiés (260 000 en 2016 après 890 000 en 2015) et l’urbanisation croissante de l’Allemagne, qui voit ses villages se dépeupler et ses métropoles se densifier rapidement. Le secteur de la construction, fort d’un carnet de commandes au plus haut depuis 1995, attend pour 2017 une progression de son chiffre d’affaires de 5 %, à 112,2 milliards d’euros.
Si les Allemands sont plus nombreux qu’avant à acheter leur logement, cela tient aussi à l’évolution de leur pouvoir d’achat. La consommation intérieure a été un important relais pour la croissance allemande en 2016. L’introduction du salaire minimum, début 2015, n’a pas affecté la création d’emplois. Le chômage évolue actuellement à son plus faible niveau depuis la réunification et la population active ayant un emploi a franchi un nouveau record, à 43,7 millions. En 2017, la Fédération des industriels allemands (BDI) table sur la création de 500 000 emplois.
Confortables augmentations de salaires
Surtout, les salariés ont vu leur rémunération augmenter. Corollaire du chômage faible, les syndicats ont pu négocier de confortables augmentations des salaires. Avec une hausse nette de 1,9 % (après déduction de l’inflation) l’an dernier, les salariés bénéficient d’une augmentation qui dépasse celle de la productivité (+ 1 %). Même les travailleurs non couverts par une convention collective ont vu leur rémunération augmenter de 2,3 %, a calculé l’Institut WSI de la Hans-Böckler-Stiftung, proche des syndicats. Cette évolution n’est pas sans inquiéter le patronat, qui voit se réduire ses capacités d’investissement.
Conséquence de la bonne santé de l’économie : les caisses sont pleines. Comment utiliser cet argent ? La question divise fortement les partis en cette année électorale, et la tentation est grande de satisfaire les groupes d’électeurs les plus influents, comme les retraités. Ceux-ci se montrent très soucieux du respect de l’équilibre budgétaire et de la réduction de la dette.
Or, préviennent plusieurs experts, une Allemagne vieillissante et satisfaite d’elle-même prend le risque de ne pas investir suffisamment dans l’avenir ou de ne pas effectuer les réformes nécessaires. Certains éléments ont en effet de quoi inquiéter les jeunes générations : à cause du niveau trop faible d’investissement des communes, les routes et les écoles sont en très mauvais état. Selon l’enquête PISA, l’Allemagne a vu ses performances scolaires baisser en 2015, alors qu’elle était en progression jusqu’en 2012.
Une enquête de l’Institut ZEW parue début janvier relève une perte de compétitivité de l’Allemagne en Europe. Et dans son analyse sur l’Allemagne, l’OCDE dresse elle aussi un diagnostic sévère : malgré sa bonne santé économique, le pays n’a pas effectué les réformes nécessaires, notamment fiscales, et le pays est très en retard sur l’Internet à très haut débit. Pour Patrick Artus, de Natixis, l’Allemagne a « mangé » ses progrès de la période Schröder.