Le vieux lutin et le grand bleu
Le vieux lutin et le grand bleu
Par Franck Johannès
Lors du débat pour la primaire à gauche, cadré et sans affrontements, Jean-Luc Bennahmias a détonné.
Pendant le premier débat de la primaire à gauche, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 12 janvier. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"
Le plus sympa, c’est sûrement Bennahmias. Il a la tête d’un vieux lutin, la paupière tombante, l’œil malicieux, l’oreille large, il tutoie les autres, il est aussi difficile à suivre que son parcours politique, mais enfin Jean-Luc Bennahmias a l’air par instants de s’ennuyer autant que le spectateur, c’est sympa. Pour les autres, on est un peu dans le bleu.
Tout était d’ailleurs bleu, lors du premier débat, jeudi 12 janvier sur TF1, de la primaire socialiste. Le sol, bleu patinoire, l’arrière-plan un peu flou, style Paris vue du ciel, les cravates de tous ces messieurs (sauf celle de Montebourg, qui tirait sur le violet, et celle de Bennahmias, qui n’en avait pas) ; Manuel Valls l’avait même surjoué avec la rosette bleue de l’ordre du Mérite (alors qu’il avait le choix, il est même commandeur du Ouissam alaouite, malheureusement un peu rouge).
Valls, plus martial que jamais
On savait, et on a bien vu, qui ne gagnerait pas la primaire. Bennahmias, bien sûr – il n’a pas de cravate et il n’a même pas lu ce qu’il y a sur son site. François de Rugy, le Vert qui entre au gouvernement quand les autres en sont partis, mais qui finalement rugit peu, et Sylvia Pinel, qui a eu le tort de se présenter comme la fille « d’un petit village du Tarn-et-Garonne » et n’a pas su se sortir de cette image empruntée, alors qu’elle représentait « le plus vieux parti de France » : le Parti radical de gauche, de gauche peut-être, et radical par antiphrase.
Les quatre autres ont été très professionnels. Arnaud Montebourg, parfaitement à l’aise, comme toujours. Benoît Hamon, sincère, convaincant, mais peut-être un peu décevant tant il avait été présenté comme la gloire montante de la primaire, alors que Vincent Peillon, sérieux, professoral, ne le regarde que comme un élève du secondaire.
Manuel Valls, bien sûr, qui ne s’attendait pas à passer un bon quart d’heure (enfin, 2 h 40, quand même). Il suait dès les premières minutes, et une publicité salvatrice lui a permis de se repoudrer. Il ne s’est pas tellement fait secouer par les autres, mais est resté sur la défensive, « je n’ai pas d’adversaires, encore moins d’ennemis », « je ne veux pas me laisser enfermer dans ce type de questionnement ». Il s’est réveillé sur la sécurité, plus martial que jamais, chez lui il est rare que les armes cèdent à la toge.
Le plus frappant de ce premier débat est peut-être la confondante unanimité des candidats sur les mesures antiterroristes, dont le bien-fondé n’est même pas examiné : on aurait dit la droite il y a dix ans.